Aller au contenu

Page:Cahiers du Cercle Proudhon, cahier 5-6, 1912.djvu/30

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus tenaces et les plus cachés, en elles s’exprime, en effet, son âme même, dans sa nuance à la fois la plus déterminée, la plus subtile et la plus délicate : le sublime, la gloire, l’héroïsme, l’idéal et la poésie, si vous enlevez tout ce divin de l’âme humaine, pour n’y laisser que le prosaïsme de la vie économique, ne voyez-vous pas que vous la mutilez au point de la ramener à l’état simplement animal ? Or, tout ce divin a sa source dans la guerre, ainsi que Proudhon l’a magnifiquement établi dans le premier volume de la Guerre et la Paix : « Pour nous, écrit-il, il est manifeste que la guerre tient par des racines profondes, à peine encore entrevues, au sentiment religieux, juridique, esthétique et moral des peuples. Un pourrait même dire qu’elle a sa formule abstraite dans la dialectique. La guerre, c’est notre histoire, notre vie, notre âme tout entière ; c’est la législation, la politique, l’État, la patrie, la hiérarchie sociale, le droit des gens. la poésie, la théologie ; encore une fois, c’est tout. On nous parte d’abolir la guerre, comme s’il s’agissait des octrois et des douanes. Et l’on ne voit pas que si l’on fait abstraction de la guerre et des idées qui s’y associent, il ne reste rien, absolument rien du passé de l’humanité et pas un atome pour la construction de son avenir. Oh ! je puis le dire à ces pacificateurs ineptes, comme on me l’a dit un jour à moi-même, à propos de la propriété : la guerre abolie, comment concevez-vous la société ? Quelles idées, quelles croyances lui donnez-vous ? Quelle littérature, quel art, quelle poésie ? Une faites-vous de l’homme, être intelligent, religieux, justicier, libre, personnel, et, pour toutes ces raisons, guerrier ? Que faites-vous de la nation, force de collectivité indépendante, expansive et autonome ? Que devient, dans sa sieste éternelle, le genre humain ? » (pp. 103-104, 1er vol.)