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Page:Cahiers du Cercle Proudhon, cahier 5-6, 1912.djvu/39

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LA BOURGEOISIE CAPITALISTE


J’entreprends ici une tâche fort ingrate : il s’agit de louer et de critiquer à la fois une classe qui, pendant plus d’un siècle, a perdu la faveur du monde de l’intelligence, qui a concentré sur elle le mépris et la haine sincères du peuple, le dédain un peu artificiel de la noblesse, la colère officielle de certains politiciens, et qui, dans le même temps, a nourri, il faut bien le dire, les uns et les autres. Il y a plus d’un demi-siècle que Flaubert a rendu infamante la condition de bourgeois en proclamant que le bourgeois est tout homme qui pense bassement. Ceci est de la littérature. Mais il est vrai qu’il circule dans la nation française, depuis le milieu du siècle dernier, contre la bourgeoisie, des sentiments et des idées qui ne sont pas nés dans les cénacles littéraires, qui sortent de la vie quotidienne et de la vie publique, qui se sont formés dans l’économie, et qui tendent à donner une représentation assez basse du rôle que la bourgeoisie a tenu dans la production et dans !a politique. Il y a dans cette circulation un nombre énorme de sottises et des sentiments fort peu intéressants, que l’envie a constitués en grande partie. Il est temps de déblayer le terrain français de ces alluvions stériles et de reconnaître la vraie nature de la bourgeoisie, de rappeler l’importance de sa fonction et de comprendre, en examinant sa situation actuelle, que la malfaisance de certaines de ses actions et sa décadence intellectuelle, au cours du XIX° siècle, sont dues uniquement aux conditions politiques où elle vit, qu’elle a désiré réaliser dans une certaine mesure, mais qui, en somme, lui ont été imposées par des