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Page:Cahiers du Cercle Proudhon, cahier 5-6, 1912.djvu/47

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semblable, à posséder sur son prochain une supériorité quelconque. C’est l’instinct de puissance. Cet instinct est parfaitement anarchique. Dans la France classique, on dirait plus justement : dans tout le monde chrétien, mais, tout bien observé, surtout dans la France classique, cet instinct est utilisé au profit de la société, et au lieu de mettre en mouvement la force brutale et les passions, il surexcite l’énergie laborieuse et l’intelligence.

En effet, la vie de l’homme étant reliée étroitement, par le jeu des institutions, à la vie professionnelle, c’est dans le sens de cette vie que s’exercera l’instinct de puissance. Et cet instinct connaîtra surtout une supériorité : la supériorité que procure l’exercice du métier et ses résultats. Premier bénéfice social : l’homme se trouve entraîné à rechercher son élévation par un perfectionnement technique. À condition, toutefois, que les supériorités soient reconnues, et que, par conséquent, quiconque n’a pas atteint la supériorité dans son art soit incité à dépasser son concurrent, et que quiconque l’atteint soit salué par les applaudissements de ses semblables. Or, c’est là une condition à laquelle l’orgueil humain ne consent pas aisément, et son refus pourrait briser l’ordre. Mais qui ne voit que, dans cette société professionnelle, tout fonctionne, socialement, pour qu’elle soit réalisée ! Les supériorités professionnelles sont celles qui se font admettre le plus aisément, tant par le bruit que font autour d’elles les amateurs, qui n’en sont point jaloux, que par la reconnaissance des hommes de la profession eux-mêmes se contraignant les uns les autres à la publier. Chaque avènement d’une supériorité rofessionnelle n’intéresse vivement que la sensibilité d’un petit nombre de rivaux. Or, s’il est vrai que les rivaux ne sont nullement disposés à la