Aller au contenu

Page:Cahiers du Cercle Proudhon, cahier 5-6, 1912.djvu/89

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bon marché de la patrie et de la famille. Cette attitude si particulière s’explique par un fait que Daniel Halévy a signalé en termes magnifiques à la fin de son article : « L’homme en vue duquel raisonne Proudhon, homo proudhonnanus… se relie à travers les siècles aux traditions de la glorieuse humanité aryenne, laborieuse, justicière et guerrière, toujours chantante. » Vous connaissez les théories que Ichring a exposées dans Les Indo-Européens dans l'histoire ; vous vous rappelez que, suivant le grand juriste allemand, les origines de l’État aryen ont été toutes militaires et que les Romains ont conservé dans leurs mœurs antiques quantité de traces de la civilisation des aryens ; nous devons ajouter que Proudhon a été souvent un véritable Romain. Plus il acquérait d'expérience, mieux il sentait la nécessité de savoir ce qui avait fait la grandeur de notre humanité latine. C’est sous l’influence de cette préoccupation qu’il composa sa dernière théorie de la propriété, qui est demeurée si longtemps une énigme pour les critiques. S’il eût vécu dix ans de plus, il aurait sans doute donné une expression différente à sa pensée, en jugeant nos désastres avec un esprit romain. Sa mort prématurée a été un désastre national ; pour honorer vraiment sa grande mémoire, il faut essayer de continuer son œuvre demeurée inachevée, les yeux toujours fixés sur Rome. L’article que vous avez publié, dans l’Indépendance du 1er avril 1912, est bien fait pour encourager les espérances de tous ceux qui regardent Proudhon comme leur maître. Si vraiment la nouvelle génération est, comme on le dit communément, lasse des balivernes sorbonniques, les enseignements prudhoniens pourront trouver un terrain favorable. En tout cas, nul n’aura fait autant que vous pour nous éclairer sur le véritable génie de Proudhon.

Votre dévoué,
G. Sorel.


Dans l’intelligence, voici donc un problème définitivement résolu, et s’il ne s’agissait que d’un problème intellectuel, nous aurions considéré que la solution était apportée par M. Daniel Halévy Mais il s’agit de déterminer des positions intellectuelles qui doivent commander des positions politiques et sociales. Dans ces conditions, c’est à nous qu’il appartient de donner au débat sa conclusion, et l’étude de M. Halévy ne vaut que comme le témoignage porté à côté du procès, par un témoin présentement désintéressé. Ceci est fait.

Maisil y a plus. L’étude de M. Halévy n’est pas seulement une interprétation de l’œuvre proudhonienne.

La conclusion est une véritable « apologie pour le pass& français » ; elle appelle vers son signataire plus que l’estime intellectuelle : elle appelle des sentiments de sympathie presque politique. M. Halévy, écrivain, est un homme qui a pris part, avec passion, à nos luttes civiles. Sa personnalité nous oblige à parler sans détours et à répondre très clairement au signe nationaliste qu’il a imprimé dans les colonnes du Journal des débats. Au