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Page:Calmettes - Leconte de Lisle et ses amis, 1902.djvu/133

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se heurteraient à cet excès de bonhomie et, non sans darder sous le monocle[1] son regard de mordante ironie, il se contenta de cette réplique :

— Écrire pour Thérésa ? C’est que je ne saurais pas ; je ne saurais vraiment pas.

Sur quoi Foucque de riposter :

— Mais puisque tu es poète…

Et jamais Foucque n’a compris que de Leconte de Lisle à Thérésa, du luth antique et du théorbe grave à l’accordéon et l’orgue de Barbarie, la différence d’âme ne permettait pas de rendre le même son. Toutefois l’intérêt qu’il témoignait par cette inconséquence participait chez lui de l’extrême désir d’être utile. C’était une naïveté d’homme bienveillant, et les autres amis qui cherchaient également le moyen d’aider Leconte de Lisle à sortir d’embarras ne gardaient pas toujours ce ton de la bonté. Pour être moins simple, le conseil de Jacquemart n’était ni plus pratique, ni plus efficace.

Jacquemart avait épousé Mlle Martinet, la fille de l’organisateur d’expositions et futur sauveur de l’Impératrice. Par ce mariage, par son tempérament, par ses commandes et ses relations, il était pénétré de l’esprit du régime et ne concevait pour un artiste aucun profit sérieux, aucun avancement véritable en dehors des distributions officielles et de l’accession aux honneurs consacrés. Après la réimpression de ses premiers poèmes, Leconte de Lisle venait de publier successivement sa traduction de Théocrite et d’Anacréon, puis ses Poésies barbares, qui, sous ce titre à double entente, lui valurent pas mal de quolibets[2].

  1. Je ne sais plus qui lui fit observer que le monocle des dandys n’allait pas à son caractère ; il répondit qu’ayant besoin de verre pour un seul de ses yeux, il avait jugé gênant d’en embarrasser les deux.
  2. À la seconde édition, en 1882, sollicité d’ailleurs par ses élèves, il modifia ce titre. La forme nouvelle Poèmes barbares, faisant suile aux Poèmes antiques, eut pour avantage d’affir-