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Page:Calmettes - Leconte de Lisle et ses amis, 1902.djvu/161

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X



Ce fut par la vertu de sa nature aimante et fidèle que Léon Dierx put avoir sa part d’action ; car, sans moyens physiques propres à la lutte, sans force d’élocution, il n’est qu’un militant d’âme, un inspiré de dévouement. Né comme Leconte de Lisle à Bourbon et le suivant à vingt ans de distance, c’est-à-dire d’une seule génération, il le connaissait par relation de pays et de famille bien avant qu’aucun autre disciple se fût encore avisé de le prendre pour chef. Il lui ressemblait physiquement, avait le même front haut, les mêmes joues pleines, le même masque sérieux et lisse, mais en moins ferme, avec des plans plus ronds et le dessin plus flou. Si de tête ils étaient un peu frères, poétiquement c’est de père à fils qu’ils se tiennent. Et cette filiation littéraire n’est pas seulement le produit d’une piété d’élève qui se propose, ainsi qu’on l’a dit, « de faire la réplique des formules poétiques réalisées par le maître ; « elle résulte d’une conformité d’origines, d’une parenté de natures, l’une douée pour la précision intensive des images et des mots, l’autre alanguie de volupté, gênée d’énamourance et, partant, moins apte à reproduire la rude empreinte, les arêtes vives du moule intellectuel ; mais toutes deux nourries du même idéal d’art, du même rêve libéral et républicain ; toutes deux écloses au pays de lumière et transplantées dans la région des intempéries grises ; toutes deux enfin repliées sous le souffle amer du douloureux destin.