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Page:Calmettes - Leconte de Lisle et ses amis, 1902.djvu/195

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de foi. Leconte de Lisle ne s’y déclare-t-il pas tout prêt à s’offrir en holocauste pour obtenir le droit de mourir le cœur abîmé dans les yeux de celle qu’il adore, dans ces yeux de langueur et de volupté ? N’a-t il pas choisi l’image du sang, image de fièvre et de passion, pour exprimer qu’il se donne tout entier, depuis le sang rouge de ses veines jusqu’au sang noir de ses artères, alin que la dernière goutte de son cœur s’épande sur l’autel d’amour où sa vie serait heureuse de finir ?

Quelques années avant cet ultime attachement, dont il ne connut l’inspiratrice qu’à ses tout derniers jours, il en conçut un autre pour une veuve, sinon jolie entre les jolies, du moins parée d’un charme rare. On se la rappelle glissant sur les pelouses comme une jeune Diane ; elle admirait les dons du poète, il admirait sa grâce, et le courant magnétique qui l’attirail, lui vers elle, elle vers lui, ce doux courant dont certains papotages n’ont pu dénaturer les aspirations idéales, se traduisait en madrigaux, les madrigaux en littérature. Or j’ai cru comprendre qu’il enferma le souvenir de cette aimable jeune femme, mystérieusement, au cœur de certains poèmes, de même qu’Hippolyte Flandrin, voulant associer à son œuvre préférée la mémoire de personnes chères, insinua leurs noms entre les plis des vêtements de son Jésus, sur l’un des panneaux de fresques à Saint-Germain-des-Prés ; à la place du cœur, Flandrin avait inscrit le nom de sa mère. Quoi qu’il en soit de cette tendre et secrète consécration, ne suffit il pas de rappeler que presque tous les poèmes passionnels laissés par Leconte de Lisle, jusqu’au célèbre sonnet la Rose de Lahore, sont conçus avec les ambages de composition qui déterminent nettement le caractère du Sacrifice ? Attribuer à cette dernière pièce une intention de credo religieux, c’est non seulement se résigner à commettre un faux sens, puisque pas un seul mot d’un seul vers ne saurait justifier une pareille interprélation, c’est de plus infliger à Leconte de Lisle