Aller au contenu

Page:Calmettes - Leconte de Lisle et ses amis, 1902.djvu/199

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sous une apparence de sentiment profond la satisfaction vaniteuse qu’il éprouvait de cette conquête, il dit à l’un de ses amis et dans sa manière brève :

— Grande passion… Superbe fille…

L’ami fit semblant d’être dupe et de prendre au sérieux ce qu’il savait bien n’être de part et d’autre qu’un éphémère caprice.

— Ah ! ah !… Si belle que cela ? Tu l’aimes autant qu’elle t’aime ?

— Pas peu… beaucoup…

— Quoiqu’elle soit juive ?

— Bonnes passades…

— Mais si de ton fait elle devenait enceinte ?

Il n’avait pas prévu cette conséquence possible. Ses yeux s’écarquillèrent. Il ne revit plus la belle enfant d’Israël.

Les trois cents pages d’un livre suffiraient à peine si l’on voulait énumérer tous les incidents qui marquèrent cette poursuite au mariage à millions. Villiers ne pouvait même pas accepter une femme qui n’aimât pas les lettres. Un intermédiaire l’avait présenté dans la maison d’un maître de forges extrêmement riche. Très courtois avec les femmes, il plut à la jeune fille. à laquelle il apporta l’une de ses œuvres, Isis. Elle lui dit : « Un gentilhomme de votre race n’a pas besoin d’écrire. » Il sentit qu’il était épousé pour son nom, que son talent n’était pas mis en cause ; il se déroba, ne reparut plus. Et pourtant, il était si fier de son passé que, si la jeune fille eût dit : « J’aime la littérature ; peu m’importe le reste, » il se serait plaint qu’elle n’eût pas tenu compte des titres.

Son action sur les femmes était toute cérébrale ; il leur persuadait qu’elles étaient supérieures et les en persuadait à sa façon, non par une déclaration précise (il eût bafouillé), mais par des singeries, des mines, des bouts d’insinuations. Venaient-elles d’énoncer un propos très ordinaire, il se livrait à des simagrées accompagnées d’interjections. Et les