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Page:Calmettes - Leconte de Lisle et ses amis, 1902.djvu/212

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servie par des amis cotisés. Les visions de dots fantasmagoriques le conduisirent à la fin des vieux garçons. Lorsque, mourant d’un cancer du pylore à cinquante et un ans[1], il tut couché sur son lit d’agonie chez les Frères Saint-Jean-de-Dieu, ses amis lui firent entendre qu’il avait un fils auquel il devait un nom. S’autorisant de la publicité qui s’attache à tous les actes de l’état civil, des témoins ont rapporté dans les journaux du lendemain les détails de son mariage in extremis. Je me contente d’y renvoyer le lecteur désireux de savoir plus que je ne veux dire.

Hélas, le fils, à l’avenir duquel Villiers consacrait ses suprêmes forces en se prêtant à la légitimation que ses amis catholiques avaient sollicitée de sa vieille foi théocratique, était réservé pour le trépas précoce. Miné par la tuberculose, ce dernier des Villiers devait mourir à vingt ans, après avoir reçu de l’État une pension de six cents francs d’abord, puis des secours de maladie. Tandis que la mort impatiente le terrassait, d’anciens amis et des admirateurs de son père se cotisaient pour lui permettre d’aller demander au ciel clément de l’Algérie le répit des condamnés ; mais le destin, jaloux des races trop illustres, avait décidé qu’à l’aube du vingtième siècle le nom des Villiers de l’Isle-Adam serait à jamais éteint.

Du moins ce nom disparaît-il intact ; car, malgré des bizarreries extérieures exagérées à plaisir et que je me suis efforcé de dégager du grossissement de la légende, Villiers de l’Isle-Adam s’est préservé des tares auxquelles ses menues inconséquences eussent exposé quiconque n’aurait pas eu sa grande noblesse

  1. Ses biographies le rajeunissent de deux années. Il était, en dix mois, passé de l’état de vigueur à l’état de décrépitude. Son ami Huysmans a pu dire qu’il était mort de vieillesse.