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Page:Calmettes - Leconte de Lisle et ses amis, 1902.djvu/233

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une riche caféière de Cuba. Non, pour n’être pas paré de la niagnitîcence espagnole, Barracand n’en avait pas moins le cœur aussi généreux que la main. Devant un ami dont il apprenait la gêne, il ne pouvait s’empêcher de courir à son armoire et d’en tirer un billet de cent francs. Et je ne sais pas d’homme avec qui ce fût plus facile et moins dangereux de se montrer confiant. J’en citerais vingt preuves, mais je ne retiendrai que celle-ci, parce qu’elle décèle en même temps une des façons d’être de l’unique Parnassienne, de Judith Gautier à laquelle je dois consacrer quelques alinéas.

Judith était fort belle, belle d’une beauté de médaille, avec le teint des vraies brunes, tout en lumière mate. Intellectuellement active, elle était physiquement passive, et son apparence de nonchaloir, rendant sa splendeur plus humaine, imprimait à sa personne une certaine grâce d’attirante langueur et de laisser-aller désirable. Elle fut donc désirée vivement, ardemment même, et, si je voulais inscrire ici les noms de tous les hommes qui cédèrent à l’impérieux désir d’élever vers elle leur hommage, j’en couvrirais bien des pages. Barracand fut du nombre de ces adorateurs, mais du nombre des discrets. Un jour que Judith le recevait en visite et qu’ils en étaient venus à causer des phénomènes électro-biologiques, elle raconta que le contact du peigne d’écaille produisait dans ses cheveux des étincelles. Et tout naturellement Barracand ayant sollicité l’honneur d’être témoin d’un fait qui lui semblait un phénomène charmant et rare, Judith sans hésitation le conduisit dans son cabinet de toilette pour y prendre avec lui le démêloir, puis dans un retrait sombre qui servait de porte-manteaux et dont elle referma la porte ; alors elle dénoua ses cheveux et de leur masse fluide fit jaillir les étincelles qu’elle secoua, du peigne, sur la main de Barracand en une pluie de minuscules étoiles. Et, très impressionné par le scintillant effluve,