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Page:Calmettes - Leconte de Lisle et ses amis, 1902.djvu/259

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XIV



À ces types de la vie inquiète se rattache Albert Glatigny, fécond improvisateur, humoriste vagabond que Catulle Mendès appela le premier des Parnassiens, le premier en date, je suppose, et non en valeur poétique. Étonnant d’aspect sous son chapeau de feutre à larges bords retrousses, maigre, long, avec de beaux yeux, une jolie bouche, des lèvres à fossettes et rouges, voluptueuses, Glatigny nous est surtout resté comme un revenant du Roman comique, survivant attardé du chariot de Thespis, héros des jours sans pain et des nuits sans gîte.

Catulle Mendès, qui par entraînement de cœur s’abandonne volontiers au plaisir de voir ses amis en beau, lui donne un peu trop de relief dans la Légende du Parnasse Contemporain. Glatigny fut un cerveau très modeste. Fils d’un ancien ouvrier charpentier dont les hasards de l’existence avaient fait un gendarme, il était de la race des normands coureurs d’aventures. Le métier d’expéditionnaire le rebutant, à dix-sept ans il s’était sauvé de Bernay, sa ville d’adoption, pour échapper aux bureaux d’un greffe du tribunal ; il gagna Pont-Audemer, écrivit en quatre jours les trois actes d’un drame en vers pour le théâtre de l’endroit, puis il suivit la troupe des comédiens et devint acteur, très médiocre acteur. Il ne devait jouer jamais que des bouts de rôle et son insuffisance le faisait réellement souffrir, bien qu’il admît qu’on y fît allusion devant lui. Ce fut même son plus grand sujet de plainte