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Page:Calmettes - Leconte de Lisle et ses amis, 1902.djvu/291

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peu lucratives. C’est ainsi qu’il eut le souci d’ajouter à sa retraite d’ancien fonctionnaire du ministère des finances, comme à ses bénéfices d’écrivain, c’est-à-dire à soixante-dix ou quatre-vingt mille francs par an, les émoluments d’une simple place d’inspecteur des Beaux-Arts qui, de par son genre littéraire ou ses critiques du nu, ne lui semblait pas absolument dévolue. Sa copie graveleuse, ses chroniques flatueuses et ventriflues exaspéraient Villiers de l’isle Adam qui le désignait par cette périphrase : « l’Homère du pet » ; elles écœuraient Leconte de Lisle qui volontiers eût oublié l’élévation poétique des premières œuvres pour ne penser qu’à la bassesse scatologique des dernières. Armand Silvestre ne se sentit plus chez lui dans le salon des plus nobles hauteurs ; il en abandonna le chemin. Interrogé par un ami sur cette retraite volontaire, il répondit : « J’ai quitté la voie ». Et certes on ne saurait rapporter un mot qui fit plus honneur et rendit mieux justice au salon de Leconte de Lisle. Pour y figurer en bon rang, il ne fallait pas avoir perdu de vue les horizons supérieurs. De moindres lyriques que Silvestre, Georges Lafenestre par exemple s’y trouvaient à leur place.

Lafenestre partageait alors ses années entre Florence et Paris. Pendant quelques mois seulement il assistait aux samedis de Leconte de Lisle, on aimait sa piésence ; s’il ne faisait pas valoir ses vers, qu’il débitait en mouillant sa langue dans un sanglot, et si son rêve ne fréquentait pas les infinis espaces, pas plus que son cerveau ne reflétait la lumière vive de l’abstrait, du moins il voyait très finement les choses et ses visions, distinguées comme lui, s’enveloppaient d’un charme tendre et délicat ; on se plaisait à sa causerie,

Mais, de tous les poètes qui traversèrent le salon de Leconte de Lisle, l’un de ceux qui devaient le mieux nourrir l’espoir d’y briller entre tous fut Henri Cazalis. Unissant la licence en droit au doctorat en médecine, ayant déjà publié trois volumes de prose et de