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Page:Calmettes - Leconte de Lisle et ses amis, 1902.djvu/295

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ment jaloux qu’il souffre du moindre succès des autres. À l’époque où Catulle Mendès ne comptait pas encore, il l’avait pris pour son chef d’école ; il cessa de le suivre dans la renommée. Ingénument il confesse que sa plus grande douleur est d’apprendre le succès d’un camarade, à moins que ce succès ne fasse obstacle à de plus favorisés. Et sa jalousie n’était pas la piqûre vive et passagère du lettré qui voit dans le triomphe des autres une erreur du destin et qui se console intérieurement en attendant de la justice distributive l’heure réparatrice, non c’était le sentiment le plus simple, le plus primitif, celui d’une maîtresse de maison qui prend une syncope, lorsqu’elle entend vanter un mets, fût-ce une simple crème servie sur une autre table que la sienne. Poison funeste qui gâte la vie, mais qu’on a dans le sang et qui, pour Mérat, l’a rendu mort parmi les vivants. De plus Mérat était timide ; Valade, aimable et doux, avait un air un peu morne ; tous deux passèrent chez Leconte de Lisle en apparitions effacées et purent se croire assez gênants pour être gênés. Pourtant les discussions dont leur genre de poésie fut le sujet, la louange des uns, le blâme des autres, prouvent qu’au demeurant on leur accordait du talent. La source d’inspirations de Mérat est assez voisine de celle de Coppée, du Coppée de la première heure. Il s’attarde complaisamment aux descriptions de banlieue parisienne, aux souvenirs des promenades du dimanche ou des flâneries dans la rue, le nez en l’air vers la chambrette de l’ouvrière qui coud à la fenêtre, derrière un pot de géranium, près de la cage où chante un pinson. Et l’un des familiers s’avisa d’affirmer, ce qui fut répété si souvent par la suite, à savoir que si Mérat regardait les petits coins du pittoresque, il les voyait en peintre, alors que Coppée les voyait en caricaturiste, il voulait dire en faiseur d’amusants croquis. Sur quoi tel autre assistant reprit que Mérat pouvait être un bon peintre en vers, mais non pas un poète, puisque