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Page:Calmettes - Leconte de Lisle et ses amis, 1902.djvu/343

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Nazaréen. Et l’on n’a pas compris Leconte de Lisle ou l’on s’est proposé d’affaiblir par une fausse contrition l’absolutisme de son irréligion, quand on a dit qu’impie en lahveh il fut pieux en Jésus. Les vrais orthodoxes ne s’y sont pas trompés ; jamais il n’a trouvé grâce devant eux et la leçon assez dure qu’il reçut peu de temps après la publication de son Qaïn prouve qu’ils ne lui faisaient même pas l’aumône des circonstances atténuantes.

Sa mère était revenue définitivement à Paris, où la mort devait la surprendre un peu plus tard en 1872. Sans être dévote elle avait de la religion et les prêtres qui venaient la voir étaient assurés d’un gracieux accueil, surtout lorsqu’ils arrivaient de Bourbon. Un jour, un chanoine ou le titulaire d’une cure importante de l’île était en visite auprès d’elle, lorsque Leconte de Lisle survint ; elle présenta son fils le poète au prélat qui prit l’air le plus souriant, le ton le plus affable pour adresser à Leconte de Lisle cette apparence de compliment :

— Très charmé de faire votre connaissance ; j’aime infiniment la poésie…

Salut de Leconte de Lisle et silence flatté.

— J’ai lu bon nombre de poètes…

Nouveau silence, coupé cette fois de petites interjections.

— Et… j’admire beaucoup Parny.

Le chevalier de Parny, plus connu par son poème sur la Guerre des dieux que par ses Élégies, était né, comme Leconte de Lisle à Saint-Paul de Bourbon. Leconte de Lisle le comptait dans sa parenté sans en être fier ; car il méprisait, en dépit de certaines qualités lyriques, l’art futile et voluptueux de son grand oncle, le chevalier, faiseur de petits vers pour l’Almanach des Muses et l’émule d’un autre bourbonien, également chevalier, également licencieux, Antoine de Bertin. C’était donc le froisser cruellement dans son orgueil et dans ses sentiments d’art que de lui servir,