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Page:Calmettes - Leconte de Lisle et ses amis, 1902.djvu/73

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lui semblent « trop bêtes et trop ignorants ». Simple logique de son tempérament, vigoureux dans la pensée, indécis en face de l’action. Il a l’amour moral du peuple, il en a le dégoût physique. Il reste très révolutionnaire (c’est sa propre expression) ; mais il attend l’aurore d’une théocratie nouvelle, c’est-à-dire d’un monde où l’idée sera le culte unique dans une démocratie supérieurement intellectuelle. Le même sentiment lui fera, trente-deux ans plus tard, détester la Commune, qu’il jugera l’ennemie de toute civilisation, la systématique incendiaire des musées et des bibliothèques. Il faudra les sinistres exécutions de la semaine sanglante pour faire vibrer en lui la voix éteinte de son ancienne pitié républicaine.

Ainsi, dès 1849, Leconte de Lisle avait pris rang parmi les ardents de la première heure qui, rafraîchis ou découragés, mettaient tous leurs soins à se faire oublier. Plus fortement trempé, de Flotte n’abandonna ni l’espoir ni la lutte. Il fit paraître avec Alphonse Toussenel, le plus spirituel des phalanstériens, une revue patronnée par Blanqui ; puis, après son élection à la Législative, il siégea consciencieusement sur les bancs de la Montagne. Mais que pouvait contre l’irrésistible élan de réaction la protestation de quelques énergies vigoureusement convaincues ? Le 2 décembre 1851, de Flotte fit partie du Comité de résistance qui, constamment dépisté par les agents du futur empereur, changea vingt-sept fois de résidence et ne put échapper à la police qu’en ne se laissant pas même rejoindre par les organisateurs de la révolte, dès lors réduits à vaguer sans direction. Écœuré par cette course au local, par ce jeu de cache-cache épuisant et stérile, de Flotte se réunit à quelques hommes énergiques afin de soulever le faubourg Saint-Antoine. Les ouvriers, qu’il s’efforçait d’entraîner contre la « coalition du sabre et du goupillon », lui répondirent par un refus formel. L’un d’eux expliqua leur abstention. C’était leur revanche. « Les bour-