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Page:Carco - Au vent crispé du matin.djvu/19

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Le Concert Imprévu

à Pierre Mac Orlan.

La rue, déserte, ouvrait sur un grand ciel brillant et pur : et, pas un bruit, pas un souffle de vent, pas même, dans les plus hautes branches d’un platane, cet imperceptible frémissement des feuilles à l’air calme. On voyait des loques pendre aux fenêtres. Deux charrettes dételées élevaient vers les étages leurs brancards. Quelques pigeons, à ras de sol, décrivaient des cercles et de larges détours… Ils se posaient enfin.

C’est alors qu’une chanson s’éleva dans une des rues voisines. Une guitare accompagnait la voix perçante et la soutenait, la prolongeait, lui donnait une envolée qu’elle n’avait pas naturellement.

Joueur et chanteur débouchèrent à l’angle le plus proche. Les pigeons ne s’envolèrent point : ils sautillaient ou, s’arrêtant, regardaient venir vers eux ces inconnus. Le premier, bas sur des jambes tordues, le buste épais, la tête énorme, tenait en se cambrant, une guitare appuyée sur le


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