Aller au contenu

Page:Cardan - Ma vie, trad. Dayre, 1936.djvu/139

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

écrite. Il est impossible que les ennuis de cette vie égalent d’aucune façon la félicité que nous espérons de celle qui suivra. N’empêche que lorsque nous en éprouvons de plus forts que notre nature, ils nous agitent au point que rien ne nous semble les surpasser, sans que nous soyons capables de concevoir même un doute sur ce point ; dès qu’ils sont loin, le fait même nous apparaît comme un songe. Oh ! s’il avait plu à Dieu de ne pas mettre cet écueil à côté de tant de bienfaits, on observerait (88) avec plus de soin les commandements du ciel, on se les rappellerait pour les avoir observés, on jouirait plus largement du plaisir que procure leur souvenir, on vivrait d’autant plus pieusement et on servirait d’exemple à autrui.

Mais je sais que je souffre déjà d’un grave déshonneur, parce que j’ai voulu enseigner la sagesse aux mortels : j’y ai été entraîné par la pitié et par la souffrance des malheureux. C’est pourquoi aussi j’ai traité de l’immortalité de l’âme : et, parmi tous ceux qui en ont parlé simplement, je prétends avoir parlé d’une façon naturelle, en accord avec Platon, Aristote et Plotin, ainsi qu’avec la raison et l’enseignement [de l’église]. Ce qui manque chez Platon, c’est le sérieux, chez Aristote l’ordre, chez Plotin la fin et les récompenses. Cette constatation n’est pas de moi, mais d’Avicenne, à l’opinion de qui je souscris plus volontiers parce que c’est la plus vraisemblable parmi celles des philosophes.