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Page:Cardan - Ma vie, trad. Dayre, 1936.djvu/18

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Là-dessus se greffe l’ambition de retrouver sa place dans une université, de reprendre la carrière brutalement interrompue par les accusations qu’il prétend effacer et que, tout au long du livre, il néglige de préciser — au point que longtemps on a fait les plus étranges suppositions sur leur vraie nature. D’où l’autre face de ses mémoires, faite d’orgueil qui s’étale et de réclame sans vergogne. En mettant en relief sa valeur comme médecin, ses succès comme professeur, l’importance de ses découvertes, la richesse de ses livres et l’originalité, l’étrangeté même de son esprit et de son caractère, n’espère-t-il pas écarter les scrupules auxquels il se heurte pour remonter dans sa chaire ?

Dans ce double souci réside l’explication de ses apparentes contradictions : il avoue toutes ses faiblesses, toutes ses erreurs, sauf en matière de religion, il reconnaît qu’il fut malheureux partout, sauf dans la médecine, où la faveur divine peut seule expliquer ses triomphes.

Ajoutez à cela les dispositions d’esprit où il se trouve quand il écrit, seul, vieux, malade, contraint à résider dans Rome où lui sont fermés les exutoires ordinaires de son activité, l’enseignement et la publication des livres. Le pessimisme, produit naturel de pareille situation, trouble le souci d’apologie qui l’a inspiré dans la rédaction de ses souvenirs. De plus, ces deux caractères — pessimisme et panégyrique — ne sont pas adroitement fondus ou alternés ; ils se juxtaposent et le ton change brusquement d’une page à l’autre suivant la dominante de l’instant. Et comme assurément il n’eut pas le temps de mettre la dernière main son livre et de pratiquer une révision attentive, les disparates éclatent ; et on a fait état de ces disparates pour porter sur son caractère et sur la véridicité de son livre une condamnation excessive. À l’appui de leurs dires, les critiques apportent en preuves, outre les contradictions que fournit aisément une lecture superficielle, quelques témoignages de contemporains et, souvent, des inductions tirées de difficultés apparentes ou réelles, offertes par le récit de certains événements[1]. Quelques-uns ont même pris argument des rêves étranges et des interventions prétendues surnaturelles où Cardan se complaît.

  1. De ce nombre sont quelques difficultés de chronologie qui ne tiennent qu’à des négligences de Naudé éditeur. Voir ici page XX.