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Page:Cardan - Ma vie, trad. Dayre, 1936.djvu/245

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XXXVIII

CINQ PRÉROGATIVES QUI M’ONT SERVI

(178) Jusqu’ici j’ai parlé de moi comme d’un homme semblable aux autres, ou même un peu inférieur par nature et par éducation. Maintenant je parlerai d’un don admirable qui est en moi, d’autant plus admirable que je sens en moi quelque chose, et je ne sais pas ce que ce peut être. Et je sais que c’est moi, en me rendant compte que cela ne provient pas de moi, et que c’est présent au moment convenable, et non au gré de ma volonté. Ce qui en résulte est au-dessus de mes forces. J’en eus la révélation à la fin de l’année 1526 ou au début de l’année suivante, de sorte qu’il s’est écoulé depuis lors plus de quarante-huit ans. Je sens quelque chose, qu’accompagne un grand bruit, pénétrer de l’extérieur dans mon oreille, venant en ligne droite de l’endroit où l’on parle de moi. Si c’est en bien, le bruit s’installe du côté droit ; et s’il vient de gauche, il passe à droite, puis il reste régulier ; s’il y a débat, on entend (179) un étonnant brouhaha ; si c’est en mal, le bruit s’entend à gauche et vient exactement du côté où les voix font du vacarme ; par suite, il entre de n’importe quel côté de la tête. Très souvent, si la chose tourne mal, au moment où elle devrait prendre fin, le bruit se renforce du côté gauche ou se multiplie. Très souvent aussi, si les choses ont lieu dans la ville où je suis, le bruit est à peine achevé qu’un messager entre pour m’appeler au nom de ceux qui parlaient de moi. Quand il s’agit d’une autre ville et que vient un messager, en faisant le compte du temps passé entre la délibération et le début du voyage, on arrive au même résultat ; et on voit le dessein exécuté dans la forme où il avait été conclu. Cette prérogative dura jusqu’en 1568, vers le moment où le complot allait réussir ; et moi je m’étonnais qu’elle cessât de se manifester.

Quelques années, huit environ, après le début de ce premier don, c’est à dire en 1534, je commençai à voir en songe ce qui allait ar-