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Page:Cardan - Ma vie, trad. Dayre, 1936.djvu/379

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tierce en lui donnant de la rhubarbe même si nous ne savons pas la dose ; mais il vaut mieux se taire ou ne pas visiter un client si on ne sait pas mesurer le traitement.

Les larmes sont le remède de la douleur, la colère celui de la pitié, et la nécessité — l’histoire le montre bien — celui de l’une ou de l’autre. En général, pour toutes choses il est bon de pouvoir gagner du temps.

Dans tes affaires, oppose vice à vice : par exemple à l’indolence le soin des procès et le recouvrement des créances ; à l’entêtement la colère ; à l’orgueil l’injure et la faim ; et pour ceux qui font usage des poings au lieu de mots, dénonce-les sans tarder auprès des puissants.

Quand tu veux te laver, prépare d’abord la serviette pour t’essuyer.

Au moment de prendre une vieille servante demande lui si elle sait coudre, laver, faire le pain et commande lui de marcher et d’allumer le feu. (293) Tu te plaindras de n’avoir pas de vin. Tu lui demanderas si elle a des parents, comme si tu avais besoin d’eux, ou des amis ; comment elle a quitté son dernier maître ; combien elle a eu de maris et d’enfants. Ensuite ne l’engage pas ou du moins prends les précautions utiles.

La précipitation dans les paroles est détestable ; dans l’action elle est parfois nécessaire ; dans le conseil elle doit être modérée.

Ne réclame pas ce qui dépend d’autrui, surtout des seigneurs ; ce qui est à toi ne le demande pas sous conditions, emploie-le à ta guise mais avec mesure.

Avec les hommes ne dis pas ce que tu penses, mais sois bien plus attentif là-dessus qu’à connaître la personne à qui tu feras un prêt.

Dieu étant éternel, le temps ne nous donne que son ombre, mais cela même est impur, comme étant soumis au changement.

Dans les affaires dangereuses ou exposées à la calomnie, de leur fait ou du tien, si tu n’es pas certain de pouvoir prouver tes affirmations, il vaut mieux garder le silence : sur ce chapitre beaucoup de gens se trompent parce qu’ils ambitionnent trop la réputation de savoir beaucoup ou d’avoir été mêlés à tout.

(294) Prends garde de ne pas remettre ton bien entre les mains d’un officieux : si tu le lui laisses, il s’en servira ; si tu le lui réclames, tu cours le danger de t’attirer sa haine, et, en tout cas, il te tiendra longtemps dans l’attente.