Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 1.djvu/181

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de grands fleuves dans nos cités, permettent aux hommes d’obtenir l’eau à moins de frais, qu’au temps où chaque individu, à l’aide d’un seau, la puisait lui-même sur le bord de la rivière. On voit que le puits de houille, qui avait exigé plusieurs années pour être creusé et se débarrasser de l’eau nécessaire pour mettre en œuvre les plus puissantes machines à vapeur, fournit du combustible, au prix d’un travail bien moins considérable qu’à l’époque où les premiers colons rapportaient dans leur demeure des fragments de bois à moitié pourri, à défaut d’une hache pour tailler la bûche déjà tombée sur le sol ; on a vu que le moulin à blé convertit le grain en farine, à meilleur marché qu’aux jours où on le broyait entre deux pierres ; et que l’immense manufacture fournit du drap à moins de frais que le petit métier du tisserand ; mais on nie qu’il en soit de même à l’égard des terrains à mettre en culture. En ce qui concerne toute autre chose, l’homme emploie d’abord les pires instruments et arrive progressivement aux meilleurs ; mais en ce qui concerne la terre, et la terre uniquement, selon M. Ricardo, il commence par cultiver la meilleure et finit en s’adressant à celle de la pire qualité ; et à chaque phase de progrès, il trouve pour son travail une rémunération moindre, qui le menace de la faim et qui le prémunit contre l’idée d’élever des enfants pour l’aider dans sa vieillesse ; de peur qu’ils n’imitent la conduite des populations de l’Inde et des îles de la mer Pacifique, (dont les terres cependant sont abondantes et dont la nourriture serait à bon marché) et ne l’enterrent vivant, ou ne l’exposent sur le rivage, afin de pouvoir se partager entre eux sa chétive portion de nourriture.

Jusqu’à quel point toute chose se passe-t-elle ainsi ? C’est ce que le lecteur décidera maintenant par lui-même. Toutes les autres lois de la nature sont largement conçues et universellement vraies, et il peut maintenant être d’accord avec nous sur cette opinion : qu’il n’existe qu’une loi, une loi unique pour les moyens de subsistance, la lumière, l’air, le vêtement et le combustible ; que l’homme en toute circonstance, commence son labeur avec les instruments les moins perfectionnés et le continue en faisant usage de ceux qui le sont le plus ; et qu’il devient ainsi capable, en même temps que se développent la richesse, la population et la puissance d’association, de se procurer, au prix d’un travail constamment moindre, une somme