Aller au contenu

Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 1.djvu/221

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

puis examinons le résultat. Sous l’empire de pareilles circonstances, on peut affirmer franchement que les premiers colons prendraient les meilleures haches, celles qui, dans le moins de temps possible, abattraient la quantité de bois la plus considérable, et que, lorsqu’elles auraient été toutes prises, ceux qui viendraient ensuite seraient forcés de prendre les haches de seconde qualité, et ainsi, successivement, jusqu’au moment où, avec le nombre croissant, quelques individus se trouveraient réduits à travailler avec des haches de dixième ou vingtième classe. Quelle serait maintenant la valeur de celles de première qualité ? Évidemment le prix d’appropriation, plus la différence entre les qualités naturelles de la hache n° 1 et de la hache n° 10 ou 20 ; et plus serait rapide l’accroissement de la population, plus serait considérable la demande de nouvelles quantités ; plus serait impérieuse la nécessité d’avoir recours aux haches de qualité inférieure, plus serait rapide la diminution dans la rémunération moyenne du travail, et plus rapide également l’augmentation de valeur des haches appropriées en premier lieu. La résistance offerte par la nature augmentant continuellement, les accumulations du passé atteindraient un pouvoir constamment croissant sur les travaux du présent.

Nous savons que la réalité est précisément le contraire de tout ceci. L’homme coupe d’abord le bois avec une coquille affilée, puis il emploie le caillou tranchant, puis il obtient une hache en cuivre, à laquelle en succède une en fer et enfin en acier. Et à chaque pas dans cette direction, le travail obtient une rémunération plus considérable, en même temps qu’il y a diminution constante dans la valeur de toutes les haches existantes, le coût de reproduction diminuant constamment. La résistance qu’offre ici la nature à la satisfaction des désirs de l’homme diminue constamment, et les travailleurs du temps présent obtiennent un pouvoir qui s’accroît constamment sur les accumulations du passé. Dans le premier des cas cités, la valeur des haches a dû se composer du travail d’appropriation, plus celle de l’agent naturel qui a été approprié. Dans le second, c’est le même travail d’appropriation, moins celui qui est économisé par la substitution des forces gratuites qui existent toujours dans la nature et qui sont, de plus en plus, contraintes de travailler au profit de l’homme.