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Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 1.djvu/276

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ainsi qu’on le voit dans les annales du monde ; la seule différence entre les guerres entreprises pour faire des conquêtes, et celles qui ont pour but de maintenir des monopoles, c’est que la violence des secondes est bien plus grande que celle des premières. Le conquérant, cherchant à se créer une puissance politique, est guidé, quelquefois, par le désir d’améliorer la condition de ses semblables. Mais le trafiquant, dans la poursuite de son pouvoir, n’est animé d’aucune autre idée que de celle d’acheter sur le meilleur marché, et de vendre sur le marché le plus cher possible, abaissant le prix des marchandises dans le premier cas, dût-il même faire mourir de faim les producteurs, et les élevant dans le second, dût-il faire mourir de faim les consommateurs. Tous deux profitent de toute mesure qui tend à diminuer le pouvoir de s’associer volontairement, et, par conséquent, à faire décliner le commerce. Le soldat empêche la réunion d’assemblées parmi ses sujets. Le propriétaire d’esclaves interdit aux individus qu’il possède de se réunir entre eux, excepté aux heures et dans les lieux qu’il approuve. Le capitaine de navire se réjouit, lorsque des Anglais se séparent de la mère-patrie et se transportent par millions au Canada et en Australie, parce que cela fait hausser le fret ; et le trafiquant se réjouit à son tour, par ce motif que plus les hommes sont largement disséminés, plus ils ont besoin des services d’un intermédiaire, et plus celui-ci devient riche et puissant à leurs dépens.

§ 6. — Les travaux nécessaires pour opérer des changements de lieu, viennent au second rang dans l’ordre de développement. Ils diminuent proportionnellement à mesure que s’accroissent la population et la richesse.

Étroitement liés avec les mouvements de l’individu qui trafique, et placés au second rang dans l’ordre de développement, viennent ensuite les travaux consacrés à opérer les changements de lieu. Aux époques reculées, ces travaux se bornent presque entièrement à changer de résidence les individus réduits en esclavage, ainsi que nous le voyons dans la plus grande partie de l’Afrique, et, jusqu’à un certain point, dans nos États du sud. Peu à peu, cependant, le conducteur de chameaux, le roulier et le marin, font leur apparition sur la scène ; formant une portion très-importante parmi les membres de la société, à raison de la quantité considérable d’efforts musculaires indispensables pour transporter une faible quantité de marchandises. Là, encore, nous constatons que l’industrie qui se développe le plus promptement est celle qui exige le moins de connaissances. Pour le roulier, il est indifférent de savoir ce qu’il transporte, que ce