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Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 1.djvu/312

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gratuite, et des exhibitions également gratuites de combats de gladiateurs, ou d’autres combats d’une férocité brutale, voilà ce qui forme maintenant l’unique bill des droits d’une populace dégradée ! La ville prend des accroissements, d’âge en âge, en même temps qu’un déclin correspondant se révèle dans le mouvement de la société qui constitue le commerce. La dépopulation et la pauvreté se répandent, de l’Italie, en Sicile et en Grèce, en deçà et au-delà de la Gaule, en Asie et en Afrique, jusqu’à ce qu’enfin frappé au cœur, l’empire périt après une existence de près d’un millier d’années, pendant lesquelles il avait offert le modèle de l’avidité, de l’improbité et de la déloyauté ; et dans toute cette période, à peine voit-on surgir une douzaine d’hommes dont les noms soient arrivés jusqu’à la postérité avec une réputation sans tache.

Les trafiquants, les gladiateurs et les bouffons étaient regardés chez les Romains comme appartenant à la même classe ; et cependant l’histoire romaine n’est que le récit des opérations des trafiquants sur la plus grande échelle. Pendant les siècles qui ont suivi l’expulsion des Tarquins et l’établissement du pouvoir aristocratique, nous assistons à une guerre perpétuelle entre les débiteurs plébéiens, appauvris par l’altération constante de la loi au profit des riches et des nobles, et les créanciers patriciens, possédant des cachots particuliers où ils renfermaient des hommes dont l’unique crime était l’impuissance de payer leurs dettes. Plus tard nous trouvons Rome remplie de Chevaliers, accoutumés à s’interposer comme intermédiaires entre ceux qui avaient des impôts à payer et ceux qui avaient à les recevoir, achetant le droit de percevoir l’impôt au meilleur marché, et le vendant le plus cher possible, payant au receveur la plus petite somme, et tirant, du malheureux qui payait la taxe, la plus forte somme qu’il pût fournir. Scipion trafiqua de sa conscience en pillant le trésor public, et lorsqu’on le somma de rendre ses comptes, il convoqua l’assemblée pour se rendre au temple et y rendre grâces aux dieux des victoires qui l’avaient enrichi[1]. Verrès en Sicile et Fonteius en Gaule,

  1. Au sujet de cette période, M. Guizot, dans son Histoire de la civilisation, p. 14, s’exprime ainsi : « Prenez pour exemple Rome aux jours de splendeur de la République, à la fin de la seconde guerre punique, à l’époque où brillèrent ses plus grandes vertus, lorsqu’elle marchait rapidement à la conquête de l’empire du monde, lorsque sa condition sociale s’améliorait visiblement. » Ce fut dans