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Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 1.djvu/69

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ait association et réunion d’hommes avec leurs semblables ; et c’est à cette condition seulement que l’homme peut être considéré comme tel ; ce n’est qu’à cette condition que nous pouvons concevoir l’être auquel nous attachons l’idée d’homme. « Il n’est pas bon que l’homme vive seul, a dit le Créateur, » et nous ne le trouvons jamais vivant dans cet état ; les souvenirs les plus anciens du monde nous présentent des êtres vivant réunis et employant des mots pour exprimer leurs idées. D’où sont venus ces mots ? D’où est venu le langage ? Nous pourrions, avec tout autant de raison, demander pourquoi le feu brûle-t-il ? Pourquoi l’homme voit-il, sent-il, entend-il, marche-t-il. Le langage échappe à ses lèvres, par une inspiration de la nature, et le pouvoir d’employer les mots est une faculté essentielle qui lui est propre, et qui le rend capable d’entretenir commerce avec ses semblables et en même temps apte à cette association sans laquelle le langage ne peut exister. Les mots société et langage représentent à l’esprit deux idées distinctes, et, toutefois, aucun effort de notre esprit ne pourrait nous faire concevoir l’existence de l’une sans y joindre celle de l’autre.

Le sujet de la science sociale est donc l’homme, c’est-à-dire l’être auquel ont été accordées la raison et la faculté d’individualiser les sons, de manière à donner une expression à toutes les variétés d’idées, et qui a été placé dans une position où il peut exercer cette faculté. Isolez-le, et avec le pouvoir de la parole, il perd le pouvoir de raisonner, et avec celui-ci, la qualité distinctive de l’homme. Rendez-le à la société, et en recouvrant la puissance du langage, il devient de nouveau l’homme qui raisonne.

Ici se présente la grande loi de la gravitation moléculaire, comme condition indispensable de l’existence de cet être que nous connaissons sous le nom d’homme. Les particules de matière ayant chacune une existence indépendante, l’atome d’oxygène ou d’hydrogène est aussi parfait et aussi complet qu’il pourrait l’être, s’il était réuni à des millions d’atomes semblables à lui. Le grain de sable est parfait, soit qu’il vole emporté par le vent, ou qu’il demeure avec d’autres grains de sable sur les rivages du vaste Océan Atlantique. L’arbre et l’arbuste, transportés de pays éloignés et placés seuls dans une serre, produisent les mêmes fruits et donnent les mêmes odeurs qu’au moment où ils se trouvaient dans les bois d’où ils ont été transplantés. Le chien, le chat et le lapin, pris individuellement,