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Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 2.djvu/151

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naires et autres personnages tirant leurs moyens d’entretien de taxes payées par les travailleurs ruraux ; et de la sorte, en même temps que la population n’était pas en état de fabriquer son drap chez elle, le pays était tellement pauvre, qu’il ne pouvait l’acheter du dehors. Il en était de même pour toutes les autres branches d’industrie. Non-seulement l’agriculture en était aux instruments primitifs, et, faute de toute notion pour les améliorer, devait continuer à se borner aux sols inférieurs, la terre et l’atmosphère abondaient toutes deux en forces qui attendaient le commandement de l’homme ; — mais le pouvoir de fabriquer une machine à vapeur n’existait pas encore sur le sol russe ; — le peuple restait dans un état de barbarie : c’était l’esclavage général.

§ 2. — Éclosion des manufactures sous le système continental de Napoléon Ier. Elles disparaissent sous le système de libre-échange. Réadoption de la politique de Colbert, et ses effets.

Le système continental donna aux fabriques une forte impulsion, mais il fallait du temps pour opérer quelque changement considérable. Aussi, à la date de 1812, on ne comptait encore que 265 usines de toute nature, tant grandes que petites, pour la production des étoffes de coton et de laine, en face d’une population de plus de 50.000.000 âmes. La guerre terminée, cependant, il s’opéra un changement dans le sens opposé. L’empereur Alexandre — formé, en matière d’économie politique, aux enseignements de M. Storch, qui avait une grande foi dans l’omnipotence du négoce — résolut d’appliquer à l’administration de l’empire ce qu’il avait appris dans le cabinet ; le résultat fut très-désastreux[1]. Survint

  1. L’avantage qui résulte pour le cultivateur et l’ouvrier industriel de la combinaison d’action avait été, dès cette époque, pleinement apprécié par quelques-uns des sujets de l’empereur. Voici une citation qui le prouvera.
      « Pour la condition florissante d’une nation, le fermier, le négociant, l’artiste, le fabricant et le marchand sont, sans nul doute, tous nécessaires ; mais si l’on compare le service relatif rendu au cultivateur par ces autres professions, il faut admettre que le fabricant et l’ouvrier industriel lui sont d’infiniment plus de service que le marchand. Les capitaux du premier ont une double action, car ils sont employés non-seulement à acheter les produits de la terre afin d’ajouter à leur valeur par une main-d’œuvre ou préparation habile, mais aussi à acheter chaque chose nécessaire pour la nourriture, le vêtement, le confort. Pain, viande, suif, laine, lin, cuir, avoine, bois, fruits, champignons et en réalité tout ce que le paysan récolte ou produit sur sa terre ou dans son logis, est nécessaire aux négociants et aux fabricants. Ils peuvent aussi donner de l’emploi aux individus de tout âge. Ils trouvent à occuper l’enfant, l’infirme, le vieillard, le contrefait, qui, pris ensemble, donnent un chiffre qui n’est pas sans importance, et qui, sans eux devraient rester oisifs, et par conséquent à la charge de la société. Ainsi le paysan recevra de son voisin le fabricant beaucoup plus que du marchand, qui, lorsqu’il lui achète des produits bruts, ne le fait qu’en vue que de leur donner forme plus parfaite et les revendre. Les fabricants,