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Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 2.djvu/24

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Non-seulement, il vend son blé sur un marché éloigné et appauvrit ainsi son terrain ; mais il agit pareillement à l’égard des os mêmes des animaux qui ont été engraissés avec ses grains[1]. Le rendement diminue donc régulièrement en quantité, en même temps qu’il y a constante augmentation dans les risques à courir résultant des changements atmosphériques, par suite de cette nécessité, de dépendre d’une seule récolte ; et diminution également constante dans la puissance de l’individu qui cultive la terre, jusqu’à ce qu’enfin, il se trouve être l’esclave, non-seulement de la nature, mais encore, parmi ses semblables, de ceux dont les facultés physiques sont supérieures aux siennes. Que ce soit le développement de la population qui fait croître les substances alimentaires sur les terrains fertiles, et rend les hommes capables d’acquérir la richesse, ou le pouvoir de s’asservir les diverses forces de la nature, c’est là une vérité dont l’évidence se manifeste à chaque page de l’histoire ; et il n’est pas moins vrai, que pour arriver à la culture de ces terrains, il faut qu’il y ait ce développement des facultés latentes de l’homme, qui ne peut se trouver que dans les sociétés où les travaux sont diversifiés.

§ 10. — Plus se perfectionne l’économie de force humaine, par suite de la création d’un marché domestique, plus s’accroît le pouvoir d’entretenir commerce avec les hommes qui sont au loin.

Le pouvoir d’entretenir le commerce, à la fois au dehors et à l’intérieur, augmente avec chaque accroissement dans la valeur des denrées nécessaires à ses besoins. La laine et le blé se transforment en drap ; mais pour que cette transformation ait lieu, il faut que le manufacturier puisse avoir en sa possession des matières colorantes, des poudres propres à blanchir les tissus, des acides et des alkalis ; et pour se les procurer, il doit aller chercher au dehors le bois de campêche de l’Honduras, l’indigo de l’Inde et le soufre de Sicile ou de Naples. Le fermier du Nord demande le sucre du Sud, et le planteur des régions tropicales le blé qui croit dans les régions tempérées ; et plus le volume de ces denrées peut être réduit, plus le commerce doit être considérable. Pour que ce résultat ait lieu, il faut qu’il y ait diversité dans les travaux, c’est-à-dire que le raffineur de sucre et l’individu qui moud le blé viennent se

  1. Il ne se passe pas de mois sans qu’il y ait, dans le port de New-York ou de Boston, un navire chargé d’or pour l’Angleterre ; le résultat se constate par une décroissance dans la récolte du blé en Amérique, variant entre 12 et 30 boisseaux et un accroissement dans cette même récolte en Angleterre, de 11 à 43, par acre. (L’Agriculteur.)