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Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 3.djvu/134

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sommer les utilités qu’il produit diminuant constamment, et celui du propriétaire de les réclamer comme rente allant toujours croissant.

5° Que cette tendance à ce que diminue la rémunération du travail, et à ce que s’augmente la proportion du propriétaire, se trouve en rapport avec l’accroissement de population, et se prononce d’autant plus fortement que la population s’accroît plus vite ; — mais qu’elle est contrebalancée à un certain degré par l’accroissement de richesse qui permet une amélioration dans la culture.

6° Que chaque amélioration de ce genre tend à retarder l’élévation de la rente, tandis que chaque obstacle à l’amélioration tend à l’augmenter, d’où cette conséquence nécessaire que les intérêts du propriétaire et du travailleur sont constamment en opposition, — la rente s’élevant à mesure que le travail tombe, et le travail tombant à mesure que la rente s’élève[1].

§ 3. — Cette théorie repose sur l’assertion erronée que la culture s’attaque d’abord aux sols riches, et que le travail devient moins productif à mesure que les hommes se multiplient et que s’accroit leur pouvoir. L’inverse est prouvé par tous les faits de l’histoire.

Le système entier, placé ainsi sous les yeux du lecteur, repose sur l’assertion que la première culture commence par s’attaquer aux meilleurs sols, — idée que M. Ricardo n’aurait jamais

  1. La citation suivante prouvera au lecteur que nous sommes fidèle dans notre exposé :
      « À chaque accroissement de population qui force un peuplé à cultiver des terrains d’une qualité inférieure pour en tirer des subsistances, le loyer des terrains supérieurs haussera.
      » Supposons que des terrains n° 1, 2, 3, rendent, moyennant l’application d’un même capital, un produit net de 100, 90 et 80 quarters de blé. Dans un pays neuf, où il y a quantité de terrains fertiles par rapport à la population, et où par conséquent il suffit de cultiver le n°1, tout le produit net restera au cultivateur et sera le profit du capital qu’il a avancé. Aussitôt que l’augmentation de population sera devenue telle qu’on soit obligé de cultiver le n°2 qui ne rend que 90 quarters, les salaires des laboureurs déduits, la rente commencera pour les terres n° 1 ; car il faut, ou qu’il y ait deux taux de profits du capital agricole, ou que l’on enlève dix quarters de blé ou leur équivalent du produit n°1 pour les consacrer à un autre emploi. Que ce soit le propriétaire ou une autre personne qui cultive le terrain n°1, ces dix quarters constitueront toujours la rente, puisque le cultivateur du n°2 obtiendrait le même résultat avec son capital, soit qu’il cultivât le n°1 en payant dix quarters de blé de rente, soit qu’il continuât à cultiver le n°2 sans payer de loyer. De même il est clair que lorsqu’on aura commencé à défricher les terrains n°3, la rente du n°2 devra être de dix quarters de blé ou de leur valeur, tandis que la rente du n°1 devra atteindre vingt quarters ; le cultivateur du n° 3 ayant le même profit, soit qu’il cultive le n°1 en payant vingt quarters de rente, soit qu’il cultive le n°2 en en payant dix, soit enfin qu’il cultive le n°3 sans payer de rente. » Ricardo, Political Economy, ch. II.