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Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 3.djvu/146

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puter au Créateur la pauvreté et le crime, qui sont l’œuvre de l’homme.

En France, nous l’avons déjà vu, le chiffre des familles agricoles a presque doublé dans la période de 1700 à 1840, — en même temps que le salaire journalier du travail agricole a presque quadruplé. La quote-part du travailleur était de 35 %, elle a monté à 60 %. Le propriétaire de la terre retenait 65 % ou presque le double de la part du travailleur, il n’a plus retenu que quarante, soit deux tiers de moins. Néanmoins la production s’est tellement accrue que cette quote-part, plus faible, donne au capitaliste 2 milliards de francs, au lieu de 850 millions qu’il obtenait auparavant[1].

Telle est la marche des choses dans tout pays où richesse et population peuvent librement s’accroître et où le commerce a son libre développement ; — toutes les utilités qui existent diminuent de valeur comparées au travail, et celui-ci gagne en valeur comparé à elles, par suite de la diminution constante du coût de reproduction. En Prusse, il y a quarante ans, un tiers du produit était regardé comme le taux équitable de la quote-part du travailleur. Depuis lors le travail est devenu beaucoup plus productif, — et le taux a monté vite. De même en Russie et en Espagne, tandis qu’en Irlande, dans l’Inde, au Mexique, en Turquie, il a continuellement baissé ; — la richesse dans ces derniers pays tendant à décroître au lieu de progresser.

La richesse doit s’accroître plus rapidement que la population. Son accroissement cependant étant en raison directe de la vitesse de circulation, il est nécessairement lent dans tous les pays où la centralisation gagne du terrain, — car c’est la route certaine vers l’esclavage et la mort politique et morale. Chaque fois que s’élève le rapport de la richesse à la population, le pouvoir du travailleur s’accroît comparé à celui du capital foncier ou autre. Il n’échappe à personne que lorsqu’il y a plus de navires que de chargements, le fret baisse ; et vice versa lorsqu’il y a plus de chargements que de navires, le fret monte. Lorsqu’il y a plus de charrues et de chevaux que de laboureurs, ceux-ci font la loi pour le salaire ; lorsqu’il y a plus de laboureurs que de charrues, les maîtres des charrues règlent le par-

  1. Nous avons précédemment développé ces faits tout au long, vol II, p. 61.