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Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 3.djvu/193

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tribution pécuniaire, on ne peut lire son histoire au siècle dernier et au siècle actuel, sans remarquer accroissement constant dans la quote-part de production retenue par le travailleur, et diminution dans celle prise par le gouvernement. Il y a un siècle, les fermiers généraux étaient en réalité les gouvernants du royaume, — grâce au privilège qu’ils avaient acheté du souverain de taxer la population sous leur bon plaisir. Leurs fortunes grossissant selon ce que les taxes rendaient, ils mettaient tout en œuvre pour augmenter les contributions. La taxation est encore aujourd’hui exorbitamment pesante ; mais, quant à la terre, tant qu’elle reste aux mains du propriétaire, l’impôt est fixe et déterminé. Une fois acquitté, on est à l’abri de toute demande arbitraire qu’élevaient des bandes de gens du gouvernement, comme il arrivait journellement à l’époque de Louis XIV et de ses deux successeurs immédiats. Quoique la valeur de la propriété territoriale ait plus que doublé, comme nous l’avons dit plus haut, le montant de l’impôt actuel est encore à peu près ce qu’il était lors de sa première perception il y a cinquante ans, — preuve de l’abaissement du rapport proportionnel de la part prise pour l’entretien du gouvernement, — résultat de la substitution graduelle de la taxation directe à celle indirecte[1].

§ 11. — Système de revenu de l’Europe du nord et du centre. Tendance à la taxation directe.

La même tendance existe dans tous les pays du nord de l’Europe, et par la raison qu’à mesure que la taxation se fait plus directe, elle s’adresse davantage à l’être raisonnable reconnu avoir qualité d’homme, et moins à l’être dénué de raison dont il est question dans l’école malthusienne, — toujours mû par des passions sur lesquelles il n’a pas d’empire, et restant par conséquent très-peu au-dessus de la brute. L’un est invité à payer une contribution directe dont le montant sera appliqué à le maintenir en sécurité, lui, sa femme et ses enfants, dans l’exercice des droits de la personne et de la propriété. On pousse l’autre à boire, à jouer, à mettre à la loterie, afin que, pendant qu’il s’occupe ainsi, le gouvernement ait l’occasion de lui filouter sa bourse.

Nulle part en Europe la valeur de la personne et de la propriété ne s’élève plus rapidement qu’en Danemark, et l’homme n’a progressé

  1. Le chiffre des impôts directs de toute nature, en 1854, s’élevait à 412.000.000 de francs, et constituait presque un tiers des ressources ordinaires du trésor, — le montant total était, cette année, de 1.265.000.000 francs.