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Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 3.djvu/224

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gleterre, nous trouvons les mêmes résultats : — une difficulté chaque jour croissante de développer les ressources du sol, provenant de la dépendance croissante du vouloir de ceux qui contrôlât les mouvements d’un grand marché. D’où il suit que la terre et les hommes perdent en valeur, — que l’esclavage prend la place de la liberté, et qu’à chaque pas dans cette voie, la guérison devient de plus en plus difficile[1].

§ 8. — En théorie, le système américain est celui de concentration et d’action locale. La pratique du gouvernement est celle de centralisation.

La formation et le développement des États-Unis est ce qui se rapproche le plus du système naturel dont nous avons parlé. À partir de l’époque des Puritains jusqu’à la nôtre, nous trouvons une population faible et disséminée, qui se groupe peu à peu pour former des provinces, des villes, des États, — le tout enfin aboutissant à l’union fondée sur la théorie de laisser aux institutions locales le maniement exclusif des affaires locales, et de borner l’administration générale aux affaires qui sortent des limites des États.

Dans Massachusetts ce contact intime est plus complet ; — l’action locale y est plus parfaite que dans aucun autre pays du monde. Si nous passons au Sud et à l’Ouest, nous trouvons de moins en moins intense la tendance à la concentration, et une plus forte à la centralisation, jusqu’à ce qu’arrivant à l’extrême Sud, nous trouvons les communautés entièrement composées d’esclaves et de trafiquants, — les premiers obligés de porter aux autres tout le produit de leur travail, et de s’en remettre à eux pour la distribution. Dans le Nord et dans l’Est, nous trouvons beaucoup de propriété fixée et peu de mobile ; dans le Sud et dans l’Ouest, une terre ayant peu de valeur, — et une faible proportion de propriété fixée, à côté d’une proportion considérable de propriété mobile.

Basée sur l’idée de l’action locale, ou concentration, la constitution fédérale, ou l’acte d’union, avait pour objet de la favoriser. C’était, plus ou moins, la pensée générale de ceux qui furent chargés du soin de gouverner pendant le premier demi-siècle. Depuis lors, la politique du pays, telle qu’elle s’est finalement posée en 1846, a

  1. Écoutez Law parlant du marquis d’Argenson : « Permettez-moi de vous dire que le royaume de France est gouverné par trente intendants. Vous n’avez ni parlement, ni états, ni gouverneurs, — vous n’avez rien que trente maîtres des requêtes, et c’est d’eux, en tout ce qui concerne la province, que dépendent entièrement la misère ou l’abondance. » La centralisation trafiquante tend à faire du monde un seul royaume, mis au pillage par une foule d’intendants.