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Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 3.djvu/323

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que les animaux de proie, — le requin et le lion, le tigre et l’ours, — ne multiplient que lentement, lors même qu’ils en ont la facilité, tandis que les pampas de l’Amérique nous fournissent la preuve de la promptitude avec laquelle se multiplient les bœufs et les chevaux, consommateurs d’aliments végétaux. Il en est de même pour l’homme : — le sauvage de proie, affamé un jour, gorgé le lendemain, est peu capable de se reproduire, comparé aux hommes civilisés, qui fondent leur consommation largement, sinon exclusivement, sur le règne végétal[1].

Plus l’action de l’homme sur la nature est directe, moindre est la nécessité de nourriture animale, et moindre est le frottement, mais plus grande est sa faculté de complaire à ses appétits. Plus il est en mesure de cultiver les sols riches, plus il y a tendance à placer les moutons sur les pauvres terres, et à s’assurer ainsi un surcroît de viande de mouton. Plus le rendement des turneps et des pommes de terre est considérable, plus il peut développer son aptitude à se faire des appareils pour prendre la morue et le hareng. Plus se perfectionne le pouvoir d’association, plus il est en mesure de cultiver l’huître et de peupler de poisson les étangs et les rivières. — Chaque degré de progrès dans cette voie contribue à régulariser de plus en plus la production de subsistances, en même temps qu’il contribue à développer les diverses individualités de l’homme, qui se trouve ainsi engagé à se placer en maître de la nature, maître de ses passions, maître de lui-même.

§ 3. — Substitutions analogues en ce qui regarde d’autres besoins de l’homme. Le règne minéral coopère aussi à rendre l’homme moins dépendant du règne animal. — Chacune de ces substitutions est accompagnée d’une diminution dans la demande de force musculaire de l’homme et dans la quantité d’aliment nécessaire pour réparer la perte journalière. L’homme gagne en valeur à chaque pas du progrès dans cette direction.

Est-ce uniquement sous le rapport de l’aliment que nous observons cette tendance de la substitution du règne végétal au règne animal ? — La même tendance ne peut-elle s’observer partout et ne forme-t-elle pas un des signes les plus certains d’une

  1. « Les fruits, les racines, les parties succulentes des végétaux semblent être l’aliment naturel de l’homme ; ses mains lui donnent facilité de les recueillir ; ses mâchoires courtes et comparativement faibles, ses dents canines qui sont courtes et ne dépassent pas les autres en longueur, ses molaires, tout cela se prête mal à manger l’herbe ou dévorer la chair, à moins que ces aliments n’aient subi la préparation culinaire. » — Cuvier.
      « Il n’est en vérité permis de douter si la viande de boucherie est nécessaire à la vie. Les céréales et d’autres végétaux, en y joignant le lait, le beurre, le fromage, ou l’huile si l’on n’a pas de beurre, peuvent (et l’on en a l’expérience), sans la moindre viande de boucherie, composer le régime le plus copieux, le plus sain, le plus nourrissant, le plus fortifiant. » — Smith. Wealth of Nations.