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Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 3.djvu/347

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tale malade et usée. Forcés d’épuiser leur sol, et ne pouvoir varier la culture, ils voient leurs plantes s’affaiblir de jour en jour et devenir une proie de plus en plus facile pour la mouche et les autres ennemis. Il en résulte que l’émigration augmente constamment et que diminue la possibilité d’entretenir les établissements locaux.

L’Ohio et l’Indiana suivent rapidement la même voie, et pourtant il n’y a pas quarante ans que ce dernier territoire est occupé. En poussant plus loin, nous voyons en Virginie un territoire qui suffirait à nourrir toute la population de la Grande-Bretagne, et où cependant la population et le pouvoir sont en déclin. La Caroline et la Géorgie ont à peu près cessé de croître en population ; en même temps l’Alabama, un État que, il y a quarante ans, les Czeeks et les Cheroquois possédaient encore, prend la même marche. — Le rendement du sol baisse, — la terre se consolide —— et la possibilité de développer ou même d’entretenir les églises et les écoles diminue d’aunée en année[1].

Tous les avocats de la doctrine Ricardo-malthusienne se sont accordés pour attribuer la prospérité passée de la population américaine à la quantité considérable de terres fertiles dont elle peut disposer. Ils ont supposé qu’elle recevait, comme salaires de ses services, plus que ce qui est ailleurs absorbé comme rente. Comme cependant ce sont toujours les sols de qualité inférieure qui sont les premiers exploités, et que les sols riches restent sans produire jusqu’à ce que la richesse et la population soient augmentés, il est évident qu’il y a eu sur les premiers une déperdition considérable de travail — en même temps qu’on s’est soumis à une taxe de transport qui eût plus que suffi pour entretenir des armées dix fois plus considérables que celles de l’Europe réunie. De riches prairies dans les États atlantiques sont restées à l’état de nature, tandis que des millions d’hommes se sont portés vers l’ouest pour obtenir d’une acre de terre quelque trente ou quarante boisseaux de blé, dont les trois quarts étaient absorbés par le trajet vers des marchés lointains. Les acres de turneps ou de pommes de terre donnent 12 ou 14 tonnes, tandis que le rendement moyen de toutes les terres à blé du jeune État de l’Ohio ne va pas à autant de boisseaux. Le résidu d’une des premières acres fertilisera les acres plus pauvres autour d’elle,

  1. Voy. précéd. vol. II, p. 198, 242.