indiquer l’existence d’un fait considérable, mais parfaitement imaginaire.
Peu de livres ont exercé une plus grande influence et il en est pas qui aient en moins de droit à en exercer aucune. Il en est peu qui aient été aussi nuisibles aux modes de pensée, et cependant personne ne peut douter un instant que son auteur n’ait été animé d’un vif désir de rendre service à ses semblables.
M. Malthus, après avoir découvert la grande et universelle cause de vice et de misère dans le monde, ne manque pas de fournir un remède également grand et universel, une panacée pour guérir tous les maux sociaux qu’il a si bien décrits. Le remède est sous la forme d’une recommandation de moral restreint (qu’on traduit assez mal par contrainte morale) dans l’action de contracter mariage, — c’est par là qu’il se propose d’arrêter l’accroissement de population. Avant d’admettre la convenance d’adopter une marche de pratique générale, nous aurions besoin d’être édifiés nous-mêmes sur l’existence d’une maladie universelle. Pour en faire l’épreuve, nous supposons que l’inventeur en propose l’adoption aux Indiens américains dont nous avons parlé plus haut. — Il reçoit d’eux cette réponse : « Vous vous trompez » mon cher monsieur, sur la cause de notre situation difficile ; nous ne sommes pas troublés par un excès du désir de procréation. Au contraire, nos jeunes hommes sont froids, ce qui fait que les relations matrimoniales sont lentes à s’établir ; nous avons peu d’enfants, et nous continuons à vivre pauvres et disséminés. Le remède dont nous avons réellement besoin, c’est un stimulant pour porter nos gens au commerce sexuel, — ce qui donnerait un surcroît de population et faciliterait cette combinaison d’action qui nous permettrait de défricher et de cultiver les sols riches dont le service nous procurerait l’abondance. » — Dans le même cas l’habitant solitaire de l’Orénoque dirait probablement : « Je suis seul, comme vous voyez, au milieu d’une terre dont chaque acre fournirait la subsistance pour l’entretien d’une famille. Donnez-moi des voisins et avisez à ce qu’ils aient femme et enfants. Nous n’avons besoin ni de moines ni de nonnes. » Le Taïtien, à son tour, dirait, je suppose : « Contrainte morale, c’est précisément ce dont nous n’avons pas besoin. Les relations, dans notre lie, sont à l’excès faciles et fréquentes, aussi produisent-elles très-peu. Si nous suivions votre ordonnance, nous aurions beaucoup