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Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 3.djvu/391

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Les horreurs de cette traite de blancs, a dit un écrivain tout récemment n’ont point été exagérées : « Comment, poursuit-il, tant de colossales fortunes se feraient-elles par des juifs et antres exploiteurs, si le sol qui donne de telles moissons n’était point arrosé et engraissé avec du sang et des larmes ? On sait que Londres est plein « d’ouvrières à l’aiguille dans la misère ; » mais le remède à cela ? Il y a une demande de vêtements à bon marché, et il y a une demande de travail pour faire des vêtements à bon marché plus considérable encore que celle des vêtements à bon marché. Quelque misérable que soit la pitance qu’elles reçoivent, cela vaut encore mieux que rien. Mieux vaut endurer la faim que mourir. Vous pouvez voir les pauvres créatures, groupées sur le seuil des magasins de confection, avec leurs visages amaigris et fiévreux attendant qu’on leur fournisse le misérable travail ; car il y va pour elles de la vie. On s’étonne que cela puisse être, — mais cela est[1]. » Une enquête a constaté que Londres ne compte pas moins de 33.000 de ces ouvrières malheureuses, travaillant dans un état complet d’épuisement, à gagner une journée de quelques pence.

Ces pauvres femmes se font concurrence entre elles pour la vente de la seule utilité qu’elles possèdent ; — faute de réussir à la placer, elles sont poussées à la prostitution. Levant de tels faits, ne vous étonnez pas qu’on évalue à 50.000 le nombre de femmes courant la nuit par les rues de la grande cité, « par la grande raison qu’elles ne trouvent point d’autres moyens d’existence. » Un grand nombre, nous assure-t-on, après avoir servi en maison, travaillé de l’aiguille, confectionné des vêtements, etc, ont été poussées dans la voie du vice par la difficulté d’obtenir un labeur honnête. « Il n’en est pas une peut-être qui ne quittât demain son malheureux métier, si l’on pouvait lui trouver un travail honorable[2]. » « Nous commettons, dit le même écrivain, une faute plus barbare que ces nations chez lesquelles la pluralité des femmes est permise, et qui regardent la femme comme une marchandise vivante ; car, chez elles, la femme, à tout événement, est pourvue d’un abri, de nourriture et de vêtement ; — on les soigne comme on soigne le bétail. Le système est complet. Mais, chez nous, la femme est traitée comme un bétail, à l’exception des soins qu’elle n’obtient pas

  1. North British Review, The Employment of Women, p. 171.
  2. Ibid.