Aller au contenu

Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 3.djvu/443

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quoique généralement favorables au système qui a reçu le nom de libre-échange, aucun de ces écrivains, nous venons de le voir, n’a manqué de sentir la nécessité de l’exercice de ce même pouvoir coordonnateur et régulateur dont nous trouvons le constant exercice dans l’homme physique, qui fournit en lui-même le type des diverses sociétés existantes dans le monde.

§ 5. — M. Chevalier. Il approuve le système protecteur. Les gouvernements étant dans certaines limites la personnification des nations, ils ne font qu’accomplir un devoir positif lorsqu’ils favorisent l’entrée en possession de toutes les branches d’industrie dont l’acquisition est autorisée par la nature des choses. Il prétend que l’agriculture française a cessé d’être protégée. L’assertion manque d’exactitude. Justesse de ses vues au sujet de la faible production de l’agriculture américaine. Lourde taxation sur les fermiers américains ; celle sur les fermiers de France est légère en comparaison. Ces derniers jouissent d’un commerce libre en comparaison avec les restrictions qui gênent les autres. Causes de ces différences.

« On allègue, dit M. Chevalier, en faveur du système protecteur que, pour tout grand corps de nation, une fois l’âge de la maturité arrivé, c’est une nécessité, dans l’intérêt de sa civilisation même, d’acclimater chez soi chacune des principales branches de l’industrie ; qu’il ne suffit pas d’être agriculteur, qu’il faut être commerçant et manufacturier. Il faut avoir non-seulement quelques manufactures spéciales, mais chacune des grandes catégories manufacturières : la fabrication des tissus de laine, celle des tissus de lin, celle des tissus de coton, des tissus de soie. Il faut s’approprier l’industrie métallurgique, l’industrie mécanique. Il faut être navigateur. Jusque-là le programme est judicieux. Oui, tout peuple dénombrant une grande population, occupant un vaste territoire, est bien inspiré deviser à la multiplicité dans la production de la richesse. Oui, lorsqu’il touche à la période de la maturité, il fait bien de s’y préparer ; il commettrait une faute s’il y manquait. Cette division du travail, ou pour employer, selon la remarque de List et de J.-S. Mill, une expression plus appropriée, cette combinaison complexe d’efforts très-divers est avantageuse à la prospérité nationale, est une des conditions du progrès national en tous sens. Elle est, en effet, beaucoup mieux que ne pourrait l’être une production peu variée, en rapport avec la diversité des aptitudes individuelles et avec la diversité des circonstances et des facilités que présente un territoire étendu. Elle est favorable à l’avancement des connaissances, car presque tous les hommes n’étudient bien volontiers que cette partie des sciences dont ils peuvent retirer une utilité directe[1]. »

Après avoir montré les avantages qui ont résulté de l’association des hommes dans les villes et les cités, et de ce développement d’industrie manufacturière, qu’il regarde lui-même comme synonyme de la diversité dans les demandes du travail, M. Chevalier continue

  1. Chevalier. Examen du système commercial connu sous le nom de système protecteur. Paris, 1852.