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Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 3.djvu/445

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les diverses industries manufacturières, ce qui ne veut pas dire qu’il convienne de louer sans distinction les mesures qu’ils prirent pour atteindre leur objet[1]. »

Rien de plus judicieux que cet aperçu sur les devoirs du gouvernement, et pourtant l’auteur se montre hostile au maintien de la protection en France[2], en déclarant, comme il l’a fait depuis, « qu’en ce qui concerne les principales denrées alimentaires, telles que le blé, les boissons et le bétail, ainsi que quelques matières premières, telles que la laine, l’agriculture, qui est incomparablement la première des industries françaises, par le nombre des personnes qui s’y consacrent et qui en vivent, et par la masse des intérêts qui s’y rattachent, a cessé de jouir des avantages de ce qu’on appelle le régime protecteur, tandis qu’elle en supporte les charges toutes les fois qu’elle a besoin d’acquérir des instruments et des machines, ainsi que divers articles d’un grand usage. »

En est-il ainsi ? l’agriculture française a-t-elle cessé d’être protégée ? Dans ce cas, il faudrait abandonner la protection. Pour répondre à cette question, commençons par chercher pourquoi il y a besoin de protection ? Parce que, selon M. Chevalier lui-même, elle favorise la conversion des denrées premières en produits achevés. Comment cependant cela profite-t-il au fermier ? N’est-ce pas en rapprochant le consommateur du producteur ? n’est-ce pas en diminuant la dépense d’envoi des denrées au marché, en allégeant la taxe du transport ? Certainement oui ; car, du voisinage des fabricants de drap, il résulte, sur le lieu même, une forte demande d’aliment et de laine, ce qui diminue la quantité à envoyer au marché lointain, tout en augmentant beaucoup la facilité de l’y envoyer. Le fermier ne profite-t-il pas doublement, — réalisant ainsi tous les avantages indiqués par Adam Smith, lorsqu’il décrit la facilité avec laquelle des tonneaux d’aliment et de laine, condensés sous forme de drap, peuvent être expédiés aux lieux de la terre les plus lointains ? Certainement oui. — Les fermiers de France réalisent les avantages de la protection, on le voit par le fait que, sur une valeur de 1.800 millions de francs de produits français expédiés par an pour de lointains pays, les deux tiers au moins sont produits de

  1. Chevalier. Examen du système commercial.
  2. Journal des Économistes, sept. 1856. Mémoire au Conseil général de l’Hérault.