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Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 3.djvu/62

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de travail va diminuant chaque jour. Aux fermiers, aux planteurs du Brésil et des États-Unis, il dit : « Cultivez vos riches sols et laissez-nous sur nos sols pauvres. Le travail est chez nous à bas prix, nous pouvons fabriquer à meilleur marché que vous. Donc, ne construisez pas, une fois pour toutes, des usines et des hauts-fourneaux ; continuez d’année en année à dépenser votre travail à produire à l’aveugle ; continuez à épuiser votre terre ; continuez à n’avoir parmi vous aucune combinaison d’effort et vous deviendrez riches. Le jour arrivera cependant où vous serez forcés de cultiver les sols pauvres et alors vous serez troublés par l’excès de population. Les salaires s’abaissant, « vous serez alors à même accumuler le capital nécessaire pour entrer en concurrence avec nous, » c’est-à-dire que « plus vous deviendrez pauvres et plus votre force ira en augmentant. »

Telle est la doctrine de l’école qui prend pour base l’idée que le trafic doit être la principale poursuite de l’homme, l’idée de laquelle le système est parti pour aller si loin. Partout les faits sont là pour constater que l’homme commence toujours par les terres les plus pauvres — que c’est seulement après accroissement du pouvoir d’association et de combinaison que les sols les plus riches sont exploités ; que pour qu’il y ait combinaison il faut la diversité d’emplois qui tend à développer les qualités individuelles, et que là où n’existe pas cette diversité, l’homme a beau faire, il n’arrive qu’à épuiser la terre cultivée la première — à la voir diminuer de valeur, tandis que s’élève la valeur de toutes les utilités dont il a besoin — et à devenir lui-même esclave de la nature et de ses semblables. C’est sous ce système que l’Irlande perd, par semaine, plus de travail qu’il n’en faudrait, appliqué une fois pour toutes, pour lui créer l’outillage qui la mettrait à même d’avoir un marché domestique pour toute sa production alimentaire et tout son travail — que le Portugal et la Turquie perdent par jour plus de force musculaire et intellectuelle qu’il n’en faudrait, appliquée une fois pour toutes, pour leur créer l’outillage qui fabriquerait tout le drap de leur consommation — que la Jamaïque a été épuisée — et que l’Inde a vu sa population condamnée à l’oisiveté, bien qu’elle ait le désir de trouver emploi ; à abandonner ses riches sols et à se retirer sur les sols pauvres ; à abandonner des cités où vivaient par centaines de mille des hommes pauvres, mais industrieux et heureux ; à renoncer aux avantages du commerce