Aller au contenu

Page:Caron - Journal de l’expédition du chevalier de Troyes à la baie d’Hudson, en 1686.djvu/119

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 109 —

d’eux, ils se retiraient le long de la mer. Le troisième jour, comme ils se reposaient, ayant laissé leur canot échoué, ne se doutant point de la marée. Lorsque le canot fut en flotte, un petit vent de terre le poussa au large sans qu’ils s’en aperçurent. Ainsi ils se trouvèrent dégradés, ce qui les détermina à retourner par terre chez les Anglais. Il y avait des Anglais sur la route qui chassaient Lorsqu’ils aperçurent ces trois Français ils en furent donner avis au commandant, qui les soupçonna de mauvais dessein et les fit arrêter, desquels il en envoya deux à l’Ile Charleston, à dix lieux au large, et garda le Sieur Péré au fort. Les deux qui étaient à l’ile avec des Anglais n’étaient point gênés, avaient la liberté de chasser et pêcher, ce qui les facilita à fabriquer un canot d’écorce et d’épinette, avec lequel ils traversèrent en terre ferme, où ils trouvèrent des sauvages qui les ramenèrent aux Outaouais, où ils racontèrent leur aventure à M. Deladurantaye, qui en informa M. le Gouverneur général.

Aussitôt les négociants de Québec et Montréal proposèrent de faire un armement pour enlever les trois forts que les Anglais occupaient à la Baye de Husson. La chose conclue on fit l’armement l’hiver de 86, composé de trente soldats et soixante-dix Canadiens, commandés par M. Detrois, (de Troyes) capitaine des troupes, Ducheny (Duchesnay) et Catalogne pour commander les soldats ; les Sieurs de St. Hilaire, (Ste-Hélène) D’Iberville, Maricour, tous trois frères, et le Sieur Lanoue, (pour commander les Canadiens).

Le cortège se rendit en traines sur les glaces (au bout) du long sault au commencement d’Avril, et le premier jour de Mai nous arrivâmes à Mataouan, où les deux rivières se séparent, la plus petite vers les (Outaouais), et la plus grande au Lac des Temiscamingues. Du lac de Temiscamingues, nous prîmes à droite, montant une petite rivière, où les portages sont fréquents, et de petite baie en petite baie nous gagnâmes la hauteur des teres, où se trouve un petit lac qui décharge dans le lac des abitibis, à l’entrée duquel nous fîmes un fort de pieux et y laissâmes trois Canadiens ; et ensuite traversâmes le lac qui se décharge par une rivière extrêmement rapide à la Baye de Husson, où nous arrivâmes le 18 Juin avec tous les préparatifs pour prendre un fort. Deux sauvages nous informèrent de la situation du fort, qui était à 4 bastions, un canon de 8e de balles, à chaque flancs ; ils nous dirent aussi qu’il y avait dedans un petit vaisseau. Nous partimes à minuit close mais nous fûmes surpris dans ce climat, en ce que le crépuscule n’était pas fermé que l’aurore parut ; le temps était fort serein, ce qui nous obligea à nous retirer dans un cric de marée haute, où nous restâmes toute la journée, après avoir laissé deux vedettes dans l’île où était le fort.