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Page:Carraud - Les métamorphoses d’une goutte d’eau, 1865.pdf/118

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D’UNE FOURMI.

il fallut, comme la veille, appâter ces grandes fainéantes, qui, hors la guerre et le pillage, ne sont bonnes à rien. Les noires cendrées élevaient les larves et les nymphes, fruit des rapines de leurs maîtres, en même temps que les propres enfants de ceux-ci. Après la ponte des femelles, ce furent aussi les esclaves qui les aidèrent à se débarrasser de leurs ailes, désormais inutiles, et qui portèrent en suite au loin ces ornements superflus.

J’étais saisie d’admiration à la vue des voûtes élevées qui recouvraient les galeries et les salles spacieuses de cette fourmilière, et je me demandais comment les noires cendrées avaient pu construire ces gigantesques édifices. En voyant tant de pauvres sœurs réduites en servitude, je pensai aux pucerons que nous capturions, nous aussi, sans plus de justice, pour notre seul avantage, et je n’osai plus me plaindre.

Deux jours après, une certaine émotion se manifesta parmi les guerrières ; elles sortirent en foule et décrivirent des demi-cercles qui les ramenaient toujours au pied de leur habitation, comme si elles voulaient bien en reconnaître tous les abords ; ensuite elles se touchèrent successivement de leurs antennes, puis formèrent leur légion et partirent pour quelque expédition nouvelle, laissant la cité entièrement à la garde des esclaves.

Elles ne tardèrent pas à rapporter le butin ordi-