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Page:Carraud - Les métamorphoses d’une goutte d’eau, 1865.pdf/124

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D’UNE FOURMI.

en avant de leur cité. Les vainqueurs se mirent à la poursuite des fugitives, et souvent ils parvinrent à leur ravir le précieux trésor dont elles étaient chargées. Quand la défaite fut certaine, tout ce qui restait de la nation vaincue émigra par des conduits souterrains, et alla fonder au loin une nouvelle fourmilière à l’abri des sanguines.

Nous observions toutes ces choses, ma jeune compagne et moi, du haut d’un élégant lychnis rose dont les pétales frangés nous dérobaient à la vue des combattants. Une véritable chaîne d’allées et de venues s’établit jusqu’à la nuit d’une fourmilière à l’autre ; ayant trouvé quelques pucerons dans le voisinage, nous fîmes un bon souper, et nous passâmes la nuit dans un doux repos.

Au lever du soleil, les sanguines vinrent chercher ce qu’elles n’avaient pu emporter la veille. Quand il n’y eut plus rien à prendre dans la cité dévastée, les plus zélées entre les sanguines emportèrent vers leur repaire leurs sœurs moins actives. Croyant la demeure des noires cendrées tout à fait abandonnée, nous y entrâmes ; et en effet elle était veuve de tout habitant : nous la parcourûmes dans son entier. Ayant trouvé dans une loge à l’écart deux paquets d’œufs oubliés dans la précipitation du départ, nous nous hâtâmes de les tourner et retourner dans notre bouche afin de les maintenir dans l’humidité nécessaire à leur éclo-