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Page:Carraud - Les métamorphoses d’une goutte d’eau, 1865.pdf/24

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MÉTAMORPHOSES D’UNE GOUTTE D’EAU.

sion incessante, et surtout assourdissante, d’une infinité de pilons qui réduisaient les lambeaux immondes qu’on leur soumettait en pâte blanche, fine et liquide. Arrivée à son degré de perfection, la pâte dont je faisais partie fut mélangée de résine en poudre et placée dans un petit auget toujours en mouvement, et en tête de la machine qui fabriquait le papier. La pâte coula doucement et également sur la toile métallique sans fin qui la conduisit, d’un mouvement lent et régulier, à un énorme cylindre horizontal garni de gros drap, lequel la transmit, bien égouttée et déjà à consistance de papier, à une série d’autres cylindres chauffés à la vapeur qui le séchèrent entièrement, et le rendirent à l’unique ouvrier qui surveillait la machine, tout prêt à être employé.

Je fus vaporisée par l’opération du séchage et lancée au plafond, d’où je retombai en pluie sur le carrelage de l’atelier. On l’avait disposé de façon à conduire l’eau dont il était incessamment inondé vers un petit canal qui la rendait à la rivière d’où elle provenait.

Je m’empressai de prendre le milieu du courant pour éviter tout danger d’être puisée de nouveau, et j’entrai bientôt dans un beau fleuve. Je ressentis une grande joie en pensant que je ne tarderais pas à faire partie du vaste Océan que je désirais si ardemment connaître. Ne voyant devant moi aucun