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Page:Casanova - Mémoires de ma vie, Tome 1.pdf/159

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grosse main qui l’avoit frappée.

Avant de s’en aller, elle me dit tête à tête du ton le plus ferme que si j’avois envie de me faire jeter par la fenetre je n’avois qu’à aller chez elle, et qu’elle me feroit assassiner si ce qui étoit arrivé entre nous devenoit public.

Je ne lui ai donné motif de faire ni l’un ni l’autre, mais je n’ai pas pu empecher qu’on conte que nous avions troqué nos chemises. Personne ne m’ayant plus vu chez elle, tout le monde crut qu’elle dut donner cette satisfaction à M. Querini. Le lecteur verra dans six ans d’ici à quelle occasion cette celebre fille dut faire semblant d’avoir oubliée toute cette histoire.

J’ai passé le quareme tres heureux avec mes deux anges, à l’assemblée chez M. de Malipiero, et à étudier la physique experimentale au couvent de la Salute.

Après Paques devant tenir parole à la comtesse de Monreal, et impatient de revoir ma chere Lucie je suis allé à Paséan. J’y ai trouvé une compagnie tout à fait differente de celle qui s’y étoit trouvée dans l’automne passé. Le comte Daniel qui étoit l’ainé de la famille avoit épousé une comtesse Gozzi, et un jeune riche fermier qui avoit épousé une filleule de la vieille comtesse y étoit admis avec sa femme, et sa belle sœur. Le souper me parut fort long. On m’avoit logé dans la même chambre, et il me tardoit de voir Lucie avec la quelle j’étois bien decidé de ne plus faire l’enfant.

Ne l’ayant pas vue avant de me coucher, je l’attendois