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Page:Casanova - Mémoires de ma vie, Tome 1.pdf/171

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[85r]

Chapitre VI

Mort de ma grand-mere. Ses consequences. Je perds la grace de M. Malipiero. Je n’ai plus de maison. La Tintoretta. On me met dans un seminaire. On me chasse. On me met dans un Fort.

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À souper on ne parla que de l’orage ; et le fermier qui connoissoit la maladie de sa femme me dit qu’il étoit bien sûr que je ne voyagerois plus avec elle. Ni moi avec lui, repartit elle, car c’est un impie qui conjuroit la foudre par des bouffonneries.

Cette femme eut le talent de m’eviter si bien que je ne me suis plus trouvé tete à tete avec elle.

À mon retour à Venise j’ai du suspendre mes habitudes à cause de la derniere maladie de ma bonne grand-mere que je n’ai quitée que lorsque je l’ai vue expirer. Elle ne put me rien laisser, car elle m’a donné de son vivant tout ce qu’elle avoit. Cette mort eut des suites qui m’obligerent à prendre un nouveau systeme de vie. Un mois après j’ai reçu une lettre de ma mere qui me disoit que n’y ayant plus d’apparence qu’elle put puisse retourner à Venise, elle s’etoit determinée à quitter la maison qu’elle y tenoit. Elle me disoit qu’elle avoit communiqué ses intentions à l’abbé Grimani, dont je devois suivre les volontés. Ce devoit être lui qui après avoir vendu tous les meubles auroit soin de me mettre dans une bonne pension, egalement que mes freres, et ma sœur. Je suis allé chez M. Grimani pour l’assurer qu’il me trouveroit toujours soumis à ses ordres. Le loyer de la maison etoit payé jusqu’à la fin de l’année.