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Page:Casanova - Mémoires de ma vie, Tome 1.pdf/177

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je n’avois qu’encore six mois à attendre à Venise ce prelat qui devoit m’acheminer peut etre au pontificat. Tels étoient mes chateaux en Espagne. Après avoir diné le meme jour chez M. Grimani sans jamais dire le mot à Razzetta qui étoit à mon coté je suis allé pour la derniere fois à ma belle maison à S. Samuel d’où j’ai fait transporter dans un bateau à mon nouveau logement tout ce que j’ai jugé m’appartenir. à mon nouveau logement ???.

Mademoiselle Tintoretta que je ne connoissois pas, mais dont je connoissois les allures, et le caractere etoit mediocre danseuse ; mais fille d’esprit qui n’etoit ni jolie, ni laide. Le prince de Waldeck, qui depensoit beaucoup pour elle, ne l’empechoit pas de conserver son ancien protecteur. C’étoit un noble venitien de la famille Lin aujourd’hui eteinte, agé de soixante ans, qui étoit chez elle dans toutes les heures du jour. Ce fut ce seigneur qui me connoissoit, qui entra dans ma chambre rez de chaussée au commencement de la nuit pour me complimenter de la part de mademoiselle, et me dire qu’etant enchantée de m’avoir chez elle, je lui ferois un vrai plaisir d’intervenir à son assemblée. J’ai repondu à M. Lin que je ne savois pas d’etre chez elle, que M. Grimani ne m’avoit pas averti que la chambre que j’occupois lui appartenoit, que sans cela je lui aurois rendu mes devoirs même avant de faire porter mon petit equipage. Après cette excuse nous montames au premier. Il me presenta, et la connoissance fut faite.