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Page:Casanova - Mémoires de ma vie, Tome 1.pdf/94

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Ętas parentum pejor avis tulit nos nequiores mox daturos progeniem vitiosiorem. Pour faire devenir sage le monde toute entier, il faudroit que pour cinquantes ans de suite le genre humain cessat de mourir et de naitre. Vers la fin de ce demi-siecle la folie ne regneroit plus sur la tems. Mais qu’elle tristesse ! On ne trouveroit autre ressource que dans la bonne chere, dans les voyages, dans la litterature, et dans la froide amitié. ??? ???. Ce qui ??? notre monde est la jeunesse, et malgré qu’elle soit incapable de la folie, elle fait tous ses ???.

Dans le privilege donc que le docteur Gozzi m’a accordé de sortir tout seul j’ai trouvé la connoissance de plusieurs vérités, qui avant ce moment non seulement m’étoient inconnues, mais dont je ne supposois pas l’existence. À mon apparition les plus aguerris s’emparerent de moi, et me sonderent. Me trouvant nouveau en tout ils se determinerent à m’instruire me fesant tomber dans tous les panneaux. Ils me firent jouer, et après m’avoir gagné le peu d’argent que j’avois, ils me firent perdre sur ma parole, et ils m’apprirent à faire des mauvaises affaires pour payer. J’ai commencé à apprendre ce que c’étoit que d’avoir des chagrins. J’ai à me meffier de tous ceux qui me louoient louent en face, et à ne point du tout compter sur les offres de ceux qui me flattoient flattent. J’ai appris à vivre avec les chercheurs de querelle, dont il faut fuire la societé, ou être à tout moment sur les bords du précipice. Pour ce qui regarde les femmes libertines de mêtier je ne suis pas tombé dans leurs filets parceque je n’en voyois pas une seule si jolie que Bettine ; mais je n’ai pas pu me defendre du desir de cette espece de gloire qui derive d’un courage dependant du mepris de la vie.