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Page:Casanova - Mémoires de ma vie, Tome 1.pdf/97

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moins riche que mes nouveaux amis, je me suis laissé aller à des depenses que je ne pouvois pas soutenir. J’ai vendu, ou engagé tout ce que j’avois, et j’ai fait des dettes que je ne pouvois pas payer. Ce furent mes premiers chagrins, et les plus cuisans qu’un jeune homme puisse ressentir.

J’ai écrit à ma bonne grand-mere pour lui demander du secours ; mais au lieu de me l’envoyer, elle vint elle meme à Padoue remercier le docteur Gozzi, et Bettine, et me conduisit à Venise le 1 d’obre 1739.

Le docteur au moment de mon depart me fit présent en versant des larmes de ce qu’il avoit de plus cher. Il me mit au cou une relique je ne me souviens plus de quel saint, que j’aurois peut etre encore si elle n’avoit pas été liée en or. Le miracle qu’elle fit fut de me servir dans un urgent besoin. Toutes les fois que je suis retourné à Padoue pour achever mon droit j’ai logé chez lui ; mais toujours affligé de voir près de Bettine le coquin qui devoit l’epouser, et pour le quel elle ne devoit pas avoir été faite me paroissoit pas faite. J’étois faché de la lui avoir epargnée. C’étoit un préjugé que j’avois ; mais du quel je n’ai pas tardé à me défaire.