delivrer de la crainte d’etre empoisonné. Elle m’a dit que
vous avez cette peur — Votre fille, mon cher, est une sotte
à force d’avoir de l’esprit. Je n’ai besoin ni qu’elle paye trois
pauls, ni de faire cette economie, et pour vous en convaincre
je vous en payerai six ; mais sous condition que vous mangerez
aussi avec moi. Celle de s’offrir à payer trois pauls est
une impertinence attachée à son caractere. En un mot : ou
je mangerai seul, et je vous payerai sept pauls par jour,
ou treize mangeant avec le pere, et la fille. C’est mon dernier
mot.
Il s’en alla me disant qu’il n’avoit pas le courage de me laisser manger seul. Je me suis levé pour diner ; j’ai toujours parlé à Mardoquée sans jamais regarder Lia, et sans rire des saillies qui sortoient de tems en tems de sa bouche. Je n’ai voulu boire que du vin d’Orviette. Au dessert Lia remplit mon verre de Scopolo, me disant que si je m’obstinois à ne pas en boire elle n’en boiroit pas non plus. Je lui ai dit qu’étant sage elle ne devroit jamais boire que de l’eau, et que je ne vouloits rien recevoir de ses mains. Mardoquée, qui aimoit le vin, dit, après avoir bien ri, que je raisonnois bien juste, et but pour trois.
Le tems étant mauvais j’ai passé la journée à écrire, et après avoir soupé servi par la servante, je me suis couché, et je me suis d’abord endormi. Peu de tems après un petit bruit me reveille, je dis qui est là, et j’entens Lia qui me dit à voix basse qu’elle n’etoit pas venue pour m’inquieter ; mais pour se justifier dans une demie heure, et me laisser dormir après. En disant cela elle se met près de moi ; mais au dessus de la couverture.
Je trouve que cette visite, à la quelle je ne m’attendois pas, car elle ne me sembloit pas analogue au caractere de cette fille,