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Page:Castor - Le pays, le parti et le grand homme, 1882.djvu/49

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qu’un despote qui exerce arbitrairement le gouvernement personnel, c’est-à-dire une dictature aussi intolérable que celle reprochée aux tyrans de l’antiquité.

L’on peut donc dire que la discipline politique est plus de conseil que de précepte, car il est à peu prés impossible de préciser les limites dans lesquelles doivent s’exercer le commandement et se pratiquer l’obéissance.

Le gouvernement constitutionnel est, pratiquement, le gouvernement des partis. L’expérience a démontré que nul gouvernement ne peut administrer les affaires d’un État, avec avantage pour le public, sans qu’il puisse raisonnablement compter sur une majorité qui lui assure l’existence, et le vote nécessaire, pour faire passer dans la législature, et exécuter dans l’administration, les mesures et les réformes nécessaires à la prospérité du pays.

Mais ce support d’une majorité raisonnable, un gouvernement doit se l’assurer non par l’exercice d’un commandement autocratique, mais par la sagesse et la prudence d’une administration paternelle. Il doit moins commander que persuader.

Il faut une certaine discipline, pour défendre les gouvernements contre les caprices des individus et les exigences ou les combinaisons de l’intérêt privé ; mais nullement pour asservir les esprits, gêner la liberté de délibération, entraver l’exercice du jugement de chacun, encore moins pour imposer des mesures iniques, et faire sanctionner des concussions ou des injustices. Bannie soit à jamais toute autorité des chefs qui tendrait à opprimer les consciences et étouffer les convictions !

L’emploi du patronage, et des mille moyens que le pouvoir met entre les mains d’un ministère, n’est légitime qu’à la condition d’être exercé suivant les lois de la justice et dans l’intérêt du pays.

Priver, par exemple, la nation des services de l’homme le plus compétent à remplir une fonction publique, et cela dans le but d’exercer une vengeance, de gagner l’adhésion d’un ou de plusieurs députés, de satisfaire l’ambition personnelle d’un ami, de faire triompher les combinaisons d’une clique, c’est un quadruple crime :

1° C’est un crime contre la nation, puisqu’on la prive de services importants, quelquefois essentiels au salut public ;

2° C’est un crime contre la conscience, que l’on démoralise en l’achetant ;

3° C’est un crime contre la morale, que l’on ruine par le spectacle scandaleux de l’intrigue victorieuse et de l’incapacité triomphante ;

4° C’est un crime contre la justice : c’est priver d’émoluments qui lui appartiennent naturellement, un homme qui a sacrifié toute une vie d’abnégation, de labeurs, à acquérir les hautes qualifications nécessaires pour bien servir son pays. C’est lui voler son bien.

Il ne suffit donc pas seulement, pour obliger des citoyens, encore