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Page:Castor - Le pays, le parti et le grand homme, 1882.djvu/80

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à l’unité ? Ne savait-il pas que tous les libéraux avancés ont une haine instinctive, allant jusqu’au fanatisme, contre la saine doctrine sociale, et qu’il est absolument impossible de les amener à la vérité qu’ils fuient instinctivement, comme la chauve-souris fuit la lumière du jour ?

D’un autre côté, ne savait-il pas également qu’il était impossible d’induire les vrais conservateurs catholiques à accepter les erreurs sociales qui font la base du libéralisme ? Ne devait-il pas être évident pour lui que jamais il ne réussirait à les faire pactiser avec l’erreur, ni à venir la rencontrer à mi-chemin, dans la voie d’une fausse conciliation ?

C’est bien ce qu’il pensait ; c’est bien ce qui d’abord l’exaspérait tant. Il sentait instinctivement que ses apostasies de principes lui avaient déjà aliéné irrévocablement le sentinent conservateur catholique, que jamais il ne pourrait compter sur cet élément pour son unité !

Toujours ces infâmes ultramontains, en travers des projets qu’il caressait, avec le plus de tendresse !

C’est pourquoi il décida de les écraser si possible, et dans tous les cas de faire, sans eux, l’unité dans la paix et dans la conciliation. Le gros des conservateurs partisans quand même, Jobbers, chercheurs de places, écumeurs de patronage : tous gens qui s’agitent bruyamment, crient très-fort et font croire par là qu’ils sont tout le parti, le suivraient toujours aussi bien dans ses pérégrinations vers les régions libérales que partout ailleurs ! Et quand aux gens de principes, ou bien on les bâillonnerait en criant bien fort à la discipline ! ou bien on les accuserait avec fracas d’être des traîtres à leur parti ; ou bien encore on paralyserait leurs forces en les divisant au moyen de faveurs personnelles accordées aux moins fermes d’entre eux ; ou bien, enfin, on les ruinerait par la calomnie, on les abîmerait sous le poids de la haine et de l’odieux qu’il est toujours facile d’amonceler sur la tête des honnêtes gens ! Que ne peut-on pas accomplir, rien qu’avec le cri d’Ultramontain, auprès de gens fanatisés par certains préjugés grossiers soigneusement nourris dans l’ignorance !

Alliés aux libéraux, rien de plus facile que d’accomplir ce résultat ! N’avait-on pas naguère employé cette tactique avec grand succès et perdu à jamais ces odieux programmistes, sans même avoir jamais eu la peine de préciser de quoi on les accusait !

L’union projetée devait donc se faire en dehors des principes. Déjà même on réussissait à en discréditer l’étude ou même l’énonciation ; et le temps n’était pas éloigné où le compère Fabre pourrait féliciter nos députés d’avoir assez de sagesse pour traiter les questions sociales sans s’occuper des principes…